- Index      

bulletin du Fonds Mondial de Solidarité Contre la Faim


(41,1)

CHOMAGE et MAL-DEVELOPPEMENT

le retour de bâton

Ce n'est pas d'aujourd'hui que les médias des régions nanties nous rebattent les yeux et les oreilles avec ce qui leur paraît être le plus grand mal de cette fin de siècle,le chômage,qu'elles croient exorciser en imputant sa cause au mythe commode et inusable de la "crise économique".

Il s'agit, bien sûr, du chômage dans les régions nanties. Car celui des régions économiquement dominées, bien plus ancien, numériquement bien supérieur, bien plus profond, n'a jamais été de leur part, (à de rares exceptions près) l'objet d'autant de sollicitude. Comme si le chômage en pays développés était infiniment plus dramatique que dans les autres, comme si cette différenciation implicite reposait sur une différence de nature entre le "chômage du nord" et le "chômage du sud".

Or, ce n'est pas d'aujourd'hui non plus que certains ont fait l'effort de comprendre les rapports entre les économies des régions nanties et celles de leurs partenaires subordonnés, montrant que la mondialisation de l'économie, amorcée avec la colonisation au XIXø siècle, menait à une division planétaire du travail fondée sur l'inégalité des termes de l'échange, et systématiquement défavorable au plus faible. MONDA SOLIDARECO s'en est fait l'écho à plusieurs reprises et le montage diapos de présentation du FONDS MONDIAL s'appuie sur cette démonstration. On n'a jamais vu les médias, qui vivent du système, proposer ce point de vue à leurs consommateurs...

Cette thèse annonçait que, en rétrécissant sa base sociale (diminution relative constante du nombre de consommateurs solvables), notre système économique s'autoasphyxiait et que le mal frapperait inéluctablement les populations des régions nanties elles-mêmes.

Nous y sommes ! Nous y sommes, et la carence d'imagination vertigineuse de nos décideurs ne permet pas d'augurer à bref délai un redressement salutaire pour tous.

A dire vrai, le chômage des régions nanties a deux causes structurelles :

1- le développement de l'automation et de l'informatisation qui chassent l'Homme du travail et le remplacent par la machine. Bien géré, ce phénomène serait un progrès, réduisant l'inféodation de l'Homme à son activité productive, si la répartition des richesses produites n'était plus systématiquement liée au travail. Mais comment gérer cela dans l'effroyable disparité du développement planétaire ?

2- Le déplacement des activités productives qui restent dévoreuses de main d'oeuvre vers certaines régions "en voie de développement" (sous-entendu : selon le modèle dominant), au plus grand profit des multinationales qui se jouent des frontières et des règlementations sociales. Bien géré, ce phénomène tendrait à rapprocher les niveaux de développement des différentes parties du monde. En fait, il amorce la "Tiers-mondisation" des régions nanties en dépossédant ses populations de leur travail.

Et c'est bien là le retour de bâton de notre modèle de développement : fondé initialement sur l'exploitation par le "Nord" des ressources naturelles et de la force de travail du "Sud", il se retourne contre le premier en le privant de la solvabilité de sa propre population... qui ne consomme plus assez pour faire tourner la machine.

Syndrome inéluctable d'un mal-développement global fondé sur la compétition sauvage, le chômage ne régressera pas au moyen de mesures ponctuelles et locales. Il exige un traitement planétaire dont la solidarité sera une composante essentielle et obligatoire.

Alain Cavelier

 


page réalisée par Daniel Durand