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bulletin du Fonds Mondial de Solidarité Contre la Faim


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LA PECHE dans le lac Tanganyika

MONDA SOLIDARECO publie ordinairement des informations concernant les projets reconnus conformes avec la pratique du FONDS MONDIAL. Mais il y a les autres projets : ceux que le Conseil d'Administration ajourne ou refuse simplement parce que quelque chose ne va pas. Ainsi en est-il des projets de pêche dans le lac Tanganyika. Pourquoi ?

A la frontière entre le Zaïre, le Burundi et la Tanzanie, le lac TANGANYIKA est le plus grand lac du monde par sa longueur : 750 km et par sa profondeur : 1.500 mètres. On pourrait penser trouver là, en climat sub-équatorial, un formidable vivier avec une faune diverse selon la profondeur. On le voudrait parce qu'autour de ce lac vivent des populations nombreuses qui essaient de tirer des eaux la vie, les protéines dont elles ont besoin. Mais il n'en est rien !

CATASTROPHE ECOLOGIQUE

Voilà 20 ans tout était différent : la densité de population autour du lac, principalement au Sud-Kivu (Zaïre) et au Burundi, n'atteignait pas 200 habitants au km2. C'était déjà beaucoup, mais l'élevage et le produit de la pêche suffisaient à apporter à tous les protéines nécessaires.

Aujourd'hui, tout est différent. Le premier malheur, compris en terme "économique", de cette région est l'explosion démographique : doublement de la population à peu près tous les 20 ans. C'est-à-dire que maintenant on peut estimer la densité autour du nord du lac à plus de 300 habitants au km². Et avec ce raz-de-marée humain vient la catastrophe écologique : la faune terrestre se fait rare, les montagnes déboisées, érodées, l'agriculture et l'artisanat en difficulté ; la faim et la malnutrition s'installe. Tout naturellement on se tourne davantage encore vers le lac que l'on croit riche et inépuisable ! Hélas !

- Au-dessous de 70 mètres de profondeur, il n'y a pas de poissons. Les eaux du lac proviennent en partie des volcans du Nord-Kivu. En profondeur la teneur en soufre est trop importante pour la vie animale.

- A Bujumbura, depuis longtemps déjà, il existe une compagnie de pêche industrielle dotée d'un équipement moderne : des sonars repèrent les bancs de poissons. Il n'y a plus de hasard. Tout le nord du lac est ainsi écumé de ses plus gros poissons au profit des hotels-restaurants où séjournent les hommes d'affaire ou les touristes européens. Les Zaïrois, Burundais et Tanzaniens, trop peu fortunés n'ont pas accès à ce produit.

- Les flottilles villageoises de pêche se sont multipliées. Et partout on constate une baisse de rendement : un peu de fretin pour une nuit de travail. Pourquoi ? En cause les techniques de pêche : les filets au maillage beaucoup trop fin prennent tout : poissons, juvéniles, larves, femelles gravides et oeufs ! (1)

- Et ce n'est pas tout! A ces mauvaises techniques de pêche s'ajoute le braconnage, ou plus exactement, la pêche par attraction lumineuse ou la pêche à l'explosif.

Face à la pression démographique et à l'immense demande en nourriture, le lac est en voie d'épuisement.

TROP TARD !

Alors, quand nous recevons une demande de financement pour une flotille de pêche, comme vient de nous en transmettre une tout récemment Claude Rouget, membre du FONDS MONDIAL et producteur de la revue d'Ecologie "VERDire", nous ne pouvons pas croire qu'un tel projet soit maintenant économiquement viable... même si dans la présentation les auteurs nous affirment vouloir pêcher selon des méthodes préservatrices du milieu aquatique. IL EST TROP TARD ! Il faut faire autrement. C'est un drame. Et là, le Conseil d'Administration n'a pas la solution.

Ce constat fait depuis plusieurs années nous a conduits à un autre choix devant la gravité de la situation : la culture de la spiruline qui, nous l'avons vu, faire merveille sur les enfants souffrant de malnutrition. Il y avait une opportunité que nous avons saisie lorsque nous avons rencontré Bruno MITEYO NYENGE, le directeur du Centre de Développement de Kiringye. Grâce à Francisco AYALA, le FONDS MONDIAL maîtrise la culture de la spiruline. Mais nous n'avons encore aucune expérience dans le domaine de la pisciculture.

Daniel Durand

(1) "Problématique de la protection des ressources halieutiques dans les lacs du Kivu et Tanganyika", Kaningini Mwenyenmali, Actes de la consultation nationale des ONG du ZAIRE, BUKAVU 16-20 Décembre 1991.

 


page réalisée par Daniel Durand