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le kiosque des Citoyens du Monde

(71,2) Octobre 2001

La guerre

Sommaire du Fonds Mondial

On ne l’avait pas vue venir. Et voici que nous y sommes. L’un des peuples les plus pauvres de la planète, l’un des plus saignés par une Histoire séculaire faite d’invasions et de résistances acharnées, l’un des plus écartelés par les ambitions des chefs de guerre qui, au cours des siècles, ont tenté de l’assujettir sous leur hégémonie, l’un des plus enchaînés par un régime d’un autre âge se réclamant d’une religion dont la grandeur ne s’est jamais établie dans le passé sur un obscurantisme totalitaire de cette sorte, le peuple Afghan, point focal de toutes les régressions humaines, subit les foudres –et quelles foudres !- d’une coalition quasi mondiale partie au canon à la chasse d’UN homme !

Un grand criminel, peut-être. Sans doute. Qui se réjouit, en tous cas, de la destruction sauvage de milliers de vies humaines, ce qui justifie qu’on lui demande des comptes. Quand paraitront ces lignes, peut-être un dénouement sera-t-il intervenu. Mais voici qu’en attendant, le misérable peuple Afghan, qui n’est pourtant pas en guerre, doit subir sur son sol les assauts des plus formidables armées que la terre ait porté.

La guerre. On ne l’avait pas vue venir ?

Pas de cette façon.

Mais on savait bien que ça ne tournait pas rond. On savait bien, et on l’a répété tant de fois, que l’ "ordre" mondial du moment n’en était pas un. Qu’un fossé trop large séparait les nantis de ceux qui ne le sont pas. Que ce fossé s’élargissait à vue d’oeil du fait même de la mainmise des nantis sur la totalité des leviers du développement. Que la richesse matérielle des uns devenait de plus en plus arrogante face à la pauvreté des autres, de plus en plus déconnectés du déterminisme et des effets du " progrès " technologique, économique et social. Que les " remèdes " univoques imposés par les institutions financières internationales supposaient tant de mutations culturelles et de sacrifices des plus démunis qu’ils en devenaient inhumains.

On savait que cette nouvelle bipolarisation planétaire menait à une crise qu’on entrevoyait de plus en plus grave à mesure que le temps passait, que le fossé s’élargissait et que les haines latentes se renforçaient. On n’imaginait pas la forme que pourrait prendre cette crise, mais on la savait inévitable. On se disait : " ça ne pourra pas durer ".

La misère, les frustrations et, surtout, l’humiliation sont le terreau de prédilection du fanatisme et de son corollaire, le terrorisme. Certes, le milliardaire pointé par le collimateur des justiciers du monde dit libre n’est pas franchement un exclu. C’est même un brillant produit du libéralisme le plus débridé. Mais la frustration et l’humiliation du plus grand nombre sont les fondations de sa boutique et le ressort de son bras armé. Qu’on le mette hors d’état de nuire ? toutes les conditions demeureront réunies pour que d’autres lui succèdent indéfiniment.

Tuez-les tous, Dieu reconnaitra les siens ! " ordonnait Simon de Montfort en 1209 après le siège de Béziers à l’adresse de ses soldats qui ne savaient comment distinguer les catholiques des " hérétiques " parmi les habitants de la ville. On le voit, en 8 siècles, la conscience humaine semble n’avoir guère fait de progrès. Et pourtant, des interrogations de la conscience a émergé peu à peu la notion de droit, à laquelle tentent de se référer tous ceux qui considèrent que la personne humaine est une et sacrée. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 est l’aboutissement d’un travail séculaire de conceptualisation, de formalisation et d’acceptation de cette notion de droit. Le problème est que, en situations de crise qui déstabilisent personnes et institutions, la part de barbarie qui reste tapie en chacun de nous est bien plus prompte à s’exprimer que notre raison, laquelle a besoin de recul et de désintéressement pour bien juger des choses. Vengeance ou punition, expressions de la passion, affleurent plus vite que compréhension et prévention, expressions de la raison. Ainsi en est-il de chacun de nous, ce qui devrait suffire à nous interdire de juger autrui…

Comprendre, prévenir et résoudre les problèmes au moyen du droit : cette attitude est la nôtre, au Fonds Mondial, depuis toujours. Si elle ne nous donne aucun droit de donner des leçons, elle nous place hors du champ de ceux qui, des deux bords qui s’affrontent actuellement, nous somment de " choisir notre camp ".

Non, nous ne sommes pas du côté de la barbarie.

Non, nous ne sommes pas du côté de la vengeance.

Notre pratique de la solidarité dans la réciprocité tout à la fois procède du respect absolu d’autrui et le conforte. Notre objectif est et reste de contribuer à mettre en place des conditions de justice telles que la barbarie ne trouve plus à s’alimenter et que la vengeance n’ait plus lieu d’être. Comme le rappelle Pascale de la Cruz dans l’éditorial, et aux côtés de nombreux autres (voir l’article de Danièle Charier sur notre adhésion au CRID), nous continuerons indéfectiblement à combattre l’ignorance et l’arrogance en créant et en renforçant toujours plus nos liens de solidarité.

Le Conseil d’Administration

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