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le kiosque des Citoyens du Monde

(72,7) janvier 2002

  REAPPRENDRE A COMPOSTER

Sommaire du Fonds Mondial

Le Burkina Faso, tout comme les autres pays sahéliens, a une économie à dominance agricole. Pour ces pays sahéliens, les performances des économies sont tributaires des aléas climatiques qui ne sont pas maîtrisés pour le moment. Plus de 80% des populations sahéliennes pratiquent l’agriculture ou l’élevage comme principales activités. Ces pays connaissent généralement une saison pluvieuse et une saison sèche plus ou moins longue selon leur situation géographique et la maîtrise des ressources en eau y constitue un casse-tête. En effet, l’eau est devenue à la fois dans ces pays un facteur de production de richesses et de dégradation de l’environnement (érosion hydrique).

Dans ces pays, les producteurs s’adonnent, aussi bien en période sèche qu’en période pluvieuse, à la production de spéculations diverses qui incluent des variétés consommées sur place telles la tomate, la pastèque, la salade, le maïs, le mil, l’aubergine et des variétés orientées vers l’exportation comme la banane, la papaye, le haricot vert, la mangue, le melon, la pomme de terre, l’oignon, etc...

Le plus souvent, ces spéculations sont cultivées sur les mêmes terres (par exemple maïs en saison pluvieuse, oignons ou haricot vert en saison sèche). Ces terres n’ont donc pas le temps de reconstituer leur fertilité et pour maximiser les rendements, les producteurs utilisent des engrais chimiques de synthèse dans les exploitations.

Or, si pendant quelque temps l’action des engrais chimiques de synthèse associée à l’utilisation des pesticides permet d’obtenir de bons rendements à l’hectare, parallèlement, elle stérilise les sols et détériore la qualité et la résistance naturelle des sols. Car après quelques années, la structure dégradée de ces sols épuise leur fertilité et favorise en outre l’expression accrue des ennemis des cultures (parasites, ravageurs, mauvaises herbes). On observe alors un accroissement des attaques parasitaires aux stades décisifs de développement de certaines spéculations qui remettent en cause les attentes des producteurs du Sahel en termes quantitatifs et qualitatifs.

L’usage immodéré des pesticides entraine la disparition de nombreux ennemis naturels des ravageurs. Ces derniers se mettent à proliférer, d’autant qu’ils deviennent eux-mêmes résistants à ces pesticides. Notons aussi que l’action des engrais chimiques de synthèse et des pesticides entraîne une accumulation importante dans la chaîne alimentaire et se manifeste par la présence de résidus dans les aliments et surtout par la contamination de l’air, de l’eau et du sol.

Ainsi, force est de reconnaître que malgré l’utilisation des engrais chimiques de synthèse, l’autosuffisance alimentaire n’est pas encore au rendez-vous dans bon nombre de pays sahéliens et même ouest-africains. Ce sera peut-être pour demain ?

En attendant, des voix s’élèvent désormais pour appeler les populations à consommer bio, à produire bio. Oui, l’agriculture biologique. En effet, l’agriculture biologique ne peut se développer qu’à partir du moment où les producteurs adoptent des comportements bio...logiques : la fertilisation par le compostage biologique entre autres.

C’est dans ce sens qu’il faut poser la problématique de la fertilisation des sols destinées à l’agriculture dans les pays sahéliens afin non seulement d’accroître les rendements mais surtout de préserver et de renforcer les éléments nutritifs de ces sols. L’utilisation du compost biologique dans les exploitations doit être encouragée au détriment des engrais chimiques qui coûtent extrêmement chers et qui dégradent les sols.

Les expériences rencontrées çà et là en Afrique sahélienne en matière de fertilisation sont pleines de leçons à tirer. Aussi, devons-nous (ré)apprendre encore à composter ? Oui, car le compostage ne consiste pas seulement à mettre en tas des déchets pour obtenir du compost quelques mois plus tard. Pour que la décomposition des matières utilisées se déroule rapidement et sans odeur, les producteurs doivent respecter des règles de base et des étapes de travail. Mais avant, le producteur sahélien doit reconnaître que la terre aussi vit et que ses actions ont un impact direct sur sa vie.

En effet, même si l’on reconnaît que le compostage est une vieille histoire, il est parfois mal assimilé dans ses aspects production et utilisation par la plupart des producteurs. Pourtant, nos ancêtres sahéliens (pour rester au Sahel) parcouraient toujours les prairies et les formations naturelles, faisaient un sondage sur la structure des sols avant de décider de l’implantation des champs agricoles. Ils vérifiaient en fait la texture, la qualité des sols (sols recouverts de feuilles mortes, présence de mélange de matières animales, micro-climat, etc....) et aussi son aptitude à donner de bons rendements. Inconsciemment, ils s’assuraient en même temps que les conditions sont réunies pour la vie des micro-organismes et des bactéries qui sont en fait les acteurs de la transformation lente et sûre des matières qui jouxtent le sol.

C’est pourquoi, le compostage biologique ou non qui répond à des normes de production doit être maîtrisé désormais par les producteurs du Sahel qui, dans le cadre de la vulgarisation des fosses fumières, ont été déçus. Leur déception provenait de l’absence de formation adéquate à leur endroit mais surtout à l’insuffisance des ressources en eau pour l’arrosage. La technique du compostage repose sur la dynamique d’un système de fermentation aérobie (eau-air). La maîtrise insuffisante de cette technique, l’absence de diversité dans la composition des matières à composter (matières animales, végétales et minérales), le non retournement régulier de ces matières et l’absence de suivi des taux d’humidité et de température ont été aussi des facteurs limitants. Leur déception culminait en début de saison pluvieuse avec des quantités dérisoires de compost disponibles pour de grandes superficies à fertiliser.

C’est pourquoi les fosses compostières munies d’un bassin de trempage et de fosses d’ancrage doivent être développées si l’on veut que le producteur sahélien s’y investisse et en fasse une condition de base pour la production agricole et maraîchère. En effet, avec la fosse compostière, le producteur produit 10 à 12 fois plus de compost qu’il ne le fera avec une fosse fumière et sur un temps relativement court (2 à 3 mois). Les politiques agricoles des gouvernements sahéliens doivent donc en tenir compte et les départements chargés des questions agricoles et animales doivent prendre des mesures pour promouvoir leur vulgarisation en tenant compte des principes et conditions ci-dessus évoqués.

C’est à ce prix que tout en entretenant nos terres, nous augmenterons nos productions agricoles et maraîchères et nous mangerons bio.

Romuald P. Sawadogo, Consultant CEPROFET

Ouagadougou - Burkina Faso

 

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