index de Monda Solidareco

le kiosque des Citoyens du Monde

(74,4) Juillet 2002

Retour sur projet :

Le magasin coopératif du Mouvman Peyizan Lyancou (Haïti)

(dossier n° 95.01.HT)

Sommaire du Fonds Mondial

Des paysans de la vallée de l’Artibonite organisés depuis 1986 en association communautaire pour améliorer les conditions de vie (santé, éducation, agriculture, etc) des habitants de la région, ont souhaité mettre à la disposition des paysans des produits agricoles et des outils leur permettant de mieux cultiver la terre. Une organisation de l’état haïtien, l’ODVA (Organisation pour le Développement de la Vallée de l’Artibonite) n’avait pas su, pas pu alors, donner l’impulsion nécessaire au développement de la région, laissant se dégrader la production agricole. D’où le souhait des membres du Mouvement des Paysans de Liancourt d’implanter un magasin agricole à Liancourt, commune de Verettes, distant de 120 km de Port au Prince, jusque là seule source d’approvisionnement en produits.

Le pays

Haïti est une île, Etat d’Amérique centrale, de 27.750 km2, de 7,8 millions d’habitants. L’Etat est une république de type présidentiel ; les langues officielles sont le français et le créole ; la monnaie est la gourde. Deux axes montagneux (2.674 m) encadrent le golfe de Gonaves. La population se groupe dans les vallées et sur le littoral (forte densité  : 281 hab./km2). Le climat est tropical, humide (saison pluvieuse de mars à septembre) et les cyclones sont fréquents.

Les cultures vivrières et la pêche sont la base de l’économie, café, cacao et canne à sucre étant exportés. L’industrialisation est médiocre. Les échanges extérieurs sont déficitaires.

La région

Liancourt est une petite ville de 16.000 habitants environ, située dans la vallée de l’Artibonite, à 200 m d’altitude, distante de 20 km de Saint-Marc et 120 km de Port-au-Prince, la capitale. Les infrastructures routières sont peu développées et les paysans peu motorisés. Environ 70  % de la population sont agriculteurs avec très peu de formation.

La situation

Haïti est un des pays les plus pauvres du monde. La situation politique n’y est pas étrangère : terrible et sanglante dictature, coups d’état, embargo économique, régime de terreur, corruption, absence d’aide extérieure (cf Monda Solidareco n°65), plusieurs dévaluations importantes de la gourde... Monsieur Talégrand Noël, haïtien rencontré à Orléans en 1996, dresse dans ses notes de voyage après un éloignement de 5 ans, un état des lieux particulièrement alarmant :

"Quand on débarque en Haïti, on est frappé par l’état de délabrement général dans lequel se trouve le pays : résultat d’une succession de coups d’états et de ces trois années d’inconscience, d’incurie et de gabegie." (MS n°53)

Cependant, si de nombreux Haïtiens ont été contraints à l’exil, si beaucoup ont cru se réfugier dans les villes, certains tentent de s’organiser pour vivre, survivre sur place. Preuve en est le Mouvement des Paysans de Liancourt en relation, selon un courrier, avec l’organisation des Planteurs de Tabac et avec d’autres associations de cultivateurs. Il y a en Artibonite une tradition de groupement des paysans et même de lutte sociale.

Le groupement

Le Mouvement des Paysans de Liancourt (Mouvman Peyizan Lyancou en créole, "MPL" dans le texte) a été créé le 30 novembre 1986. Cette association qui vise à améliorer les conditions de vie des habitants, compte environ 500 adhérents dont 60  % de femmes. Après une rencontre avec Monsieur Talégrand Noël (président du Collectif Haïti de France, prônant la mise en valeur des activités rurales au travers de petits projets), 10 des membres du MPL ont adhéré au Fonds Mondial.

Fin 1995, Monsieur Claude Desty, secrétaire général du MPL, présentait une demande de financement au Fonds Mondial.

Le projet

Il s’agit de l’installation d’un magasin agricole dans des locaux existants, le transport des produits s’effectuant de Port au Prince à Liancourt grâce au véhicule que possède le MPL. Les produits, des semences, des plants, des outils de culture, des engrais, sont destinés à la revente à un prix raisonnable aux paysans de Liancourt et des environs ceux-ci ayant de réelles difficultés d’approvisionnement.

Le contrat

Le contrat a été signé par M. Claude Desty pour le Mouvement des Paysans de Liancourt et par M. Alain Cavelier pour le Fonds Mondial de Solidarité contre la Faim en 1998.

La somme totale est de 5.030,82 € (dont 500 € dus à l’inflation) en deux tranches de 2.286,74 FRF et 2.744,08 € versées respectivement en février et en juin 1999. Le contrat prévoit outre le respect des clauses d’achat des marchandises, la formation des membres à l’organisation et à la gestion financière. 3.201,43 € sont au titre de subvention et 1829,39 € sont au titre d’un prêt sans intérêts remboursable en 3 annuités de 609,80 €.

Les résultats

De 1995 à 1998, les échanges entre le MPL et le Fonds Mondial furent longs et difficiles : courriers perdus, irréguliers, le blocus imposé à Haïti ne facilitant rien.

Mais... Adrien Luzincourt, membre du Fonds Mondial et correspondant du MPL, actuellement en France, a toujours rétabli les contacts entre M. Claude Desty (MPL) et Bernard Muet, administrateur responsable de la région Caraïbes. Adrien Luzincourt est d’ailleurs régulièrement présent aux séances du conseil d’administration du Fonds Mondial lorsqu’elles se tiennent à Paris et rend compte alors de l’évolution du projet qu’il visite régulièrement.

Mais... Rosa Voltaire, membre du Fonds Mondial, haïtienne travaillant à Port au Prince, travaillant beaucoup à l’aide aux plus démunis, a accepté en mars 2000 d’être la correspondante du conseil d’administration du Fonds Mondial en Haïti. Elle a à plusieurs reprises visité le magasin de Liancourt, rencontré les membres du groupement et transmis ses rapports et conclusions. Son investissement a été d’autant plus précieux pour chacun qu’aucune ONG d’appui, partenaire souhaité du Fonds Mondial, n’a été disponible en Haïti au moment de la mise en place du projet.

Des différents rapports reçus de Claude Desty, d’Adrien Luzincourt, de Rosa Voltaire, il ressort que :

F le Mouvement des Paysans de Liancourt a ouvert les portes de son magasin agricole le 15 mai 1999. Après une fréquentation d’abord faible, la réputation du magasin, proximité, bonne qualité des produits, crédit possible, conseils, s’est étendue et les paysans d’un grand nombre de localités viennent désormais s’y approvisionner.

F le magasin est actuellement géré par un comité de 3 membres : Claude Desty, secrétaire général du MPL, Flémise Salomond, trésorière et Carmène Ménéus, magasinière formée à la gestion. Le magasin fonctionne 6 jours par semaine de 8 h à 15 h.

F une caisse proposant des micro-crédits a été mise en place par la section féminine du MPL et fonctionne très bien.

F récemment, Claude Desty a signalé des difficultés d’approvisionnement, situation qui devrait durer quelques mois.

Cependant, malgré les dévaluations de la gourde, le Mouvement des paysans de Liancourt a honoré ses engagements en remboursant deux annuités du prêt (fin 2000 et fin 2001).

Conclusion

Les titres des journaux occidentaux "Haïti, la naufragée", "Haïti, une île à la dérive", les articles de presse décrivant "la misère absolue", "la violence extrême et l’extrême pauvreté", relatent hélas la triste réalité. Adrien Luzincourt écrivait fin 2001 : "Actuellement, Haïti fait face à des difficultés énormes à tous les niveaux socio-politico-économiques". Malgré cela, grâce à Claude Desty et au Mouvement des Paysans de Liancourt, grâce à Adrien Luzincourt, grâce à Rosa Voltaire, les gens de la société civile s’organisent et encouragent la solidarité.

Bernard Muet, en charge du projet, écrivait en 1995 (MS n°50) : "Il nous faudra sans doute agir avec prudence et effectuer un long travail de préparation avant de pouvoir réaliser de bonnes choses et d’implanter notre Fonds Mondial et ses méthodes mutualistes en Haïti". Une bonne chose au moins a été réalisée par le Fonds Mondial en Haïti ; quant à son implantation, le Mouvement de Paysans de Liancourt servira d’exemple, et Rosa Voltaire notre correspondante pour Haïti saura avec son énergie habituelle diffuser nos pratiques de solidarité réciproque. 

Envoyer un message

Et n’oublions pas qu’en Haïti on dit en créole "tout tan tèt pa koupé, li pa dezespere mete chapo", tant que la tête n’est pas coupée, elle ne perd pas espoir de porter un chapeau.

Danièle Charier, Bernard Muet

 

abonnement ou adhésion

    haut