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le kiosque des Citoyens du Monde

(77, 2) Mai 2003

guerre, légitimité, légalité…

Sommaire du Fonds Mondial

Commençons par quelques définitions :

légal " = " qui a valeur de loi, résulte de la loi, est conforme à la loi ". Quand la loi existe. C’est une notion de droit. La légalité n’est pas par essence démocratique : les pays totalitaires ne sont pas avares en lois. La démocratie s’attache à faire procéder la loi de la volonté populaire.

légitime " : 3 niveaux de sens :

1/ " qui est juridiquement fondé, consacré par la loi ou conforme au droit ". C’est aussi une notion de droit, un sous-produit de la légalité.

2/ " conforme à l’équité, à la justice, au droit naturel ". C’est une notion philosophique qui, chez nous, renvoie au Siècle des Lumières. Elle dépend des fondements moraux de la société et est antérieure au droit (à la loi), dont elle peut détermniner l’orientation. La perception de la légitimité varie forcément avec les civilisations, les cultures. En quoi consiste le droit naturel ? peut-il être le même pour un croyant et un non croyant ? Existe-t-il une légitimité universelle ? de quels fondements moraux universels procède-t-elle ? graves questions en nos temps agités !

3/ " qui est justifié (par le bon droit, le bon sens , la raison…) ". C’est la notion triviale qui renvoie à des référents que chacun peut s’approprier selon sa culture ou son intérêt.

Quoiqu’aient affirmé nos politiques et commentateurs, la déplorable guerre d’Irak n’était ni " légale ", ni " illégale ", puisqu’il n’existe pas de loi mondiale garantie par un exécutif mondial. Par contre elle a paru " illégitime " aux yeux de très nombreux citoyens de cette planète, qui l’ont fait savoir. Mais quoi de commun entre les légitimités brandies par un agnostique européen, un musulman pakistanais, un pacifiste américain, un résistant palestinien ? voir les graves questions ci-dessus.

Il existe une charte des Nations unies et un nombre important de conventions internationales élaborées et " légitimées " ( ?) dans le cadre des Nations unies. Ce n’est pas un corpus de lois. Ce sont des accords dont la ratification engage les Etats (dont la grande majorité n’a rien de démocratique) vis-à-vis des autres Etats. Pas vis-à-vis des citoyens de ce monde ! Vis-à-vis des Etats seulement. Avec rien ni personne pour garantir leur application ni sanctionner leur inobservation. Il n’existe aucune légalité mondiale qui offre une base juridique au règlement des problèmes mondiaux. Les accords onusiens sont les brouillons de ce qui pourrait se constituer en lois mondiales si un exécutif mondial venait à être mis en place. Mais voyez combien de ces conventions ayant trait aux droits de l’homme le plus puissant "Etat démocratique" du monde se refuse à ratifier !

Il existe aussi des agences et des institutions internationales chargées d’élaborer des accords dans leurs domaines respectifs et d’en observer l’application. Ce sont en quelque sorte des commissions spécialisées, mais entièrement professionnalisées, de l’Assemblée générale de l’ONU. Elles n’ont pas de représentativité politique et leur autorité est strictement morale, puisqu’au delà du blâme de pure forme, elles ne disposent d’aucun pouvoir coercitif. Seule, l’OMC dispose d’un tribunal, dont la constitution est tout sauf démocratique.

Il existe des clubs, généralement de pays ou d’acteurs économiques très riches (OCDE, G8, Davos etc..) qui se comportent comme des lobbies extrêmement puissants auprès des instances nationales ou internationales de décision économique. Ces clubs n’ont ni légalité ni légitimité – exceptée celle des intérêts économiques de leurs membres. Les actionnaires y sont mieux représentés que les citoyens.

Vient de naître la Cour Criminelle internationale, après quelques tribunaux transitoires liés à des évènements dramatiques que nul n’a su prévenir. Dans son essence, cette Cour est le seul véritable progrès porteur d’espoir depuis la création de l’ONU, puisque les crimes et les inobservations des recommandations onusiennes pourront y être sanctionnés. Mais qui appliquera les sanctions ? les Etats ? qui contraindra les Etats à le faire ? Et dans les domaines non couverts par les agences de l’ONU, qui dira la loi qu’elle sera chargée de faire appliquer ? devra-t-elle créer le droit par sa propre jurisprudence ? mais alors quelle est la légitimité démocratique de ces juges triés sur le volet ?

Bref, si la légitimité doit être, comme on le souhaite, démocratique pour que les intérêts de tous les citoyens de cette planète soient équitablement représentés, nous sommes plongés au cœur d’un énorme déficit.

Déficit démocratique !.

En face, que trouve-t-on ? il y a une poignées d’Etats dits démocratiques au sein desquels l’argent pervertit plus ou moins l’équité de la représentation populaire et il y a ce " mouvement citoyen mondial " comme dit joliment Gustave Massiah qui se constitue spontanément autour de toutes les occasions offertes par les grands-messes des acteurs précédents : les conférences internationales du système onusien, les réunions des Institutions Financières Internationales, celles du G8, celles des nantis de Davos. Et puis, prenant leur envol de plus en plus autonome, les forums sociaux.

Pour l’heure, la seule légitimité des forums sociaux est celle de la constatation-protestation de ceux qui sont localement brimés ou opprimés par le système de (non-) gouvernance mondiale, ou qui en sont exclus. C’est une légitimité du type 2 (philosophique), et donc encore extrêmement partielle puisque de nombreuses composantes de la population mondiale, notamment africaines, musulmanes ou de l’ex-bloc soviétique ne contribuent pas encore à la construire. C’est dangereux, parce que ce mouvement mondial travaille d’arrache-pied (à juste titre !) à passer de la contestation à l’élaboration et la proposition d’alternatives qui ne représentent pas encore la multiplicité des intérêts des peuples du monde ni de leur approche culturelle. L’essaimage des forums sociaux vers des niveaux plus proches des citoyens est une bonne chose, parce qu’il amènera peu à peu les " non-inclus " (temporaires, on espère !) du mouvement à le rejoindre (cf Ramallah, Addis-Abeba etc…). Mais ce sera long, compte-tenu des situations locales, et il nous appartient de savoir attendre ces futurs concitoyens.

Et, à nos yeux, le mouvement citoyen mondial ratera le coche s’il ne s’attache pas simultanément à répondre aux questions sur la légitimité posées au début de nos réflexions. C’est-à-dire à créer une véritable légitimité mondiale reposant sur des référents véritablements universels : c’est en discutant des idées et des expériences à partir de tous les horizons que ces référents s’extraieront du génie de toutes nos sociétés et civilisations (d’où l’importance d’intégrer les non-inclus). Soulignons que, pour être cohérent, le mouvement citoyen devra lui-même se démocratiser (combien d’ONG sont véritablement démocratiques ? comment garantir le caractère démocratique du travail en réseaux ?..).

Quand il se sentira suffisamment mûr, le mouvement citoyen ne pourra alors pas faire l’économie de passer de la légitimité à la légalité en contribuant, à partir de sa nouvelle culture populaire mondiale, à combler le gigantesque déficit démocratique qui prévaut actuellement dans le système international. Des lois mondiales ? dites par une représentation citoyenne mondiale ? un exécutif et un judiciaire mondiaux ? des fédérations de fédérations ?

Beaucoup de questions pas simples du tout, qui ne trouveront pas de réponse dans les élucubrations forcément partielles, donc partiales, de quelques isolés, leur volonté fût-elle la plus louable au demeurant.

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Et, à nos yeux, le mouvement citoyen mondial ratera le coche s’il ne s’attache pas simultanément à répondre aux questions sur la légitimité posées au début de nos réflexions. C’est-à-dire à créer une véritable légitimité mondiale reposant sur des référents véritablements universels : c’est en discutant des idées et des expériences à partir de tous les horizons que ces référents s’extraieront du génie de toutes nos sociétés et civilisations (d’où l’importance d’intégrer les non-inclus). Soulignons que, pour être cohérent, le mouvement citoyen devra lui-même se démocratiser (combien d’ONG sont véritablement démocratiques ? comment garantir le caractère démocratique du travail en réseaux ?..).

Quand il se sentira suffisamment mûr, le mouvement citoyen ne pourra alors pas faire l’économie de passer de la légitimité à la légalité en contribuant, à partir de sa nouvelle culture populaire mondiale, à combler le gigantesque déficit démocratique qui prévaut actuellement dans le système international. Des lois mondiales ? dites par une représentation citoyenne mondiale ? un exécutif et un judiciaire mondiaux ? des fédérations de fédérations ?

Beaucoup de questions pas simples du tout, qui ne trouveront pas de réponse dans les élucubrations forcément partielles, donc partiales, de quelques isolés, leur volonté fût-elle la plus louable au demeurant.

Construire la légitimité de la gouvernance mondiale pour établir sa légalité !... n'est-ce pas un beau programme ?

Alain Cavelier

 

 

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