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le kiosque des Citoyens du Monde

(76, ) Janvier 2003

Famines 

Sommaire du Fonds Mondial

La famine est de retour en Afrique.

Ce sont les journaux qui le disent. Et le PAM (Programme Alimentaire Mondial) pronostique 38 millions de victimes annoncées d'une " crise sans précédent ". Les Africains, eux, n'ont pas besoin de lire les journaux : il leur suffit d'avoir faim…

LA famine ? disons plutôt LES famines. Car la faim, dans sa manifestation sociale la plus extrême, celle qui se traduit par une augmentation brutale et massive de la mortalité par indisponibilité alimentaire, a des causes variées, qui se conjuguent souvent.

Bien sûr, au premier rang, on a coutume de considérer les causes climatiques, la sécheresse surtout, dont l'apparente fatalité a souvent servi d'alibi à toutes les résignations. Et c'est vrai qu'en ce moment même, des pénuries graves et prolongées de précipitations induisent de profonds déficits alimentaires dans des pays du Sahel et de l'Afrique de l'est. Et pourtant, selon le Prix Nobel d'économie indien Amartya Sen, " la prévention des famines met en jeu des mesures si faciles que la véritable énigme tient à ce qu'elles continuent de sévir ". Par exemple, on sait prévoir aujourd'hui les écarts et les conséquences des facteurs climatiques (les " systèmes d'alerte précoce "). Ces prévisions sont disponibles pour tous les acteurs. Elles sont utilisables par les gouvernements, ainsi que les organismes internationaux et ONG compétents pour prendre à temps les mesures de protection utiles, à savoir en premier lieu organiser la redistribution des stocks de sécurité. La fatalité n'existe plus. Alors ?

Alors, encore faut-il d'abord que les stocks de sécurité existent. Lorsqu'il s'agit de compenser des pénuries à l'intérieur d'un Etat, la création et la gestion de ces stocks est du ressort du gouvernement. Ça ne coûte pas très cher ; beaucoup moins, en tous cas qu'entretenir une armée ou une garde personnelle. Eh, amis africains ! où sont vos stocks nationaux ? à quoi, à qui servent-ils ?

Lorsqu'il s'agit de compenser des pénuries régionales, quand des pays entiers sont touchés par le malheur, la redistribution pourrait être réalisée à l'échelle internationale, par exemple dans le cadre de ces Communautés économiques dont on ne parle que quand on leur demande de mettre sur pied des forces d'intervention militaires. Ce serait pourtant bien plus dans leur rôle. Eh, amis africains ! où sont les stocks de la CEDEAO, de la CEMAC, de la CEEAC ?

A côté des causes climatiques mal ou pas prises en charge par les Etats ou les communautés d'Etats, il y a pire encore : les causes humaines, celles qui parviennent à installer la malnutrition et la famine dans les régions les mieux pourvues en ressources naturelles à coups de conflits locaux, de guerres interminables, de pillages, de déplacements de populations… Ces causes " anthropiques " font peut-être déjà autant de dégâts que les dérèglements climatiques. Les régions les mieux nanties, celles qui précisément pourraient abonder largement les stocks des communautés, voient périr leurs propres enfants au milieu d'un paradis virtuel. Amis africains ! comment soutenir ceux qui s'entre-tuent ?

Et je ne parle pas des effets multiplicateurs du SIDA, qui exige de mettre en oeuvre une solidarité mondiale immédiate et à portée de main que les pays riches refusent d'envisager autrement qu'au travers de leurs intérêts économiques…

Tout ce qui précède relève bien sûr de la capacité d'intervention contre la faim en situation d'urgence. Autre chose est la prévention de la malnutrition sur le long terme au travers du développement économique et social dans laquelle est engagée le Fonds Mondial. Le développement, c'est mettre en place les conditions pour que, à terme, l'urgence ne soit plus jamais nécessaire, ou, au moins, qu'elle demeure très exceptionnelle. C'est beaucoup plus lent à réaliser, mais c'est pour toujours. Les moyens initiaux nécessaires ne sont pas si considérables ; après, le développement s'auto-entretient. Au début cependant, chaque position acquise est précaire. Survienne une grosse sécheresse ou un conflit et tout tombe à terre. Aussi, tout doit avancer de pair : la paix, la prévention des risques climatiques et les projets de développement. Cela suppose beaucoup de solidarité, comme nous l'entendons, mais aussi une grosse volonté politique ! (…)

Alain Cavelier

 

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CEDEAO = Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest.

CEMAC = Communauté Economique et Monétaire en Afrique Centrale.

CEEAC = Communauté Economique des Etats d'Afrique Centrale.

 

 

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