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bulletin du Fonds Mondial de Solidarité Contre la Faim


(21,2) Janvier 1988

Faim ou malnutrition ?

analyse du problème faim

Les propos de Monsieur Charles GERARD, selon votre bulletin n° 20 précisément à son dossier n° 29, ne nous sont pas favorables. Dire qu'un problème de faim n'existe pas en Ubembe,. cela ne peut être admissible par n'importe quel enfant Wabembe car le manioc ne se consomme pas seul ; on doit lui ajouter de la protéine pour qu'il soit aliment complet. Et c'est cette protéine qui se détériore lamentablement à ce jour.

Amango K.S. (Zaïre)

Réponse :

A propos du Sud de la Province du KIVU (Zaïre), Charles GERARD a écrit : "Il n'existe pas à proprement parler un problème de faim mais de malnutrition" Il ne semble pas y avoir de contradiction entre cette affirmation et votre lettre. Cependant; des explications sont nécessaires :

Déjà MONDA S0LIDARECO (n° 10 à 15) a démontré que la faim dont souffrent plusieurs centaines de millions d'individus dans le Monde (entre 400 millions et 1.200 millions selon les estimations) était due à différents déséquilibres culturels, économiques et politiques. Puis nous nous sommes intéressés à la nouveauté sociale que représente le FONDS MONDIAL DE SOLIDARITE CONTRE LA FAIM constitué en système transnational d'entraide coopérative (n° 17 à 19). C'était nécessaire. Mais pour être complet, il nous faut aussi parler de la faim elle-même.

MONDA SOLIDARECO va donc aborder ces questions, de numéro en numéro ; mais le "comité de rédaction" n'a pas à ce sujet plus de compétence que les lecteurs, et peut-être même est-il moins compétent que la majorité d'entre vous, qui vivez au coeur du problème. C'est pourquoi, nous proposons de progresser à travers vos expériences et vos épreuves que vous voudrez bien raconter aux autres lecteurs de MONDA SOLIDARECO.

Dans ce numéro, nous nous limitons à reproduire une partie de l'étude réalisée par la commission Faim et Développement des CITOYENS DU MONDE (brochure n° 19, p 4 et 5, ou "Somme Mondialiste", tome II. p. 165 -166). C'est une invitation à l'échange avec vous et entre vous.


Analyse du Problème de la Faim

 

Si nous voulons étudier de près le problème de la faim, nous nous apercevons que celui-ci est placé au centre des préoccupations mondiales, du fait de son intensité, du très grand nombre d'hommes qu'il touche et des troubles sociaux graves qu'il peut provoquer ; aussi, devons-nous essayer de ne pas isoler ce phénomène de son contexte économique et politique. Or, celui-ci est aujourd'hui mondial.

La faim, phénomène mondial et non pas fléau naturel, doit être observée mondialement, et les remèdes les plus efficaces, surtout à long terme, seront apportés sans nul doute par une action de solidarité et d'organisation à l'échelle planétaire.

Examinant la faim d'un point de vue global, nous pouvons diviser en trois ses principales manifestations .

Famines totales provoquant la mort : on peut dire que, dans les siècles passés, elles furent nombreuses et meurtrières dans tous les pays. Dans les dernières décennies, nombreux encore sont les hommes dont le décès peut être imputé directement ou indirectement au manque de nourriture (Inde, Biafra, Nord du Brésil, Sahel, Ethiopie...)

États de famine larvés : Sous-nutrition. Encore de nos jours, nous sommes obligés constater que l'état de sous-nutrition constitue le triste sort de la plus grande partie de l'humanité.

Les faims spécifiques et les malnutritions ou carences de certains éléments nutritifs sont très importantes et très graves aussi ; on note en particulier les carences en protéines qui sont les plus généralisées dans les pays pauvres. Une malnutrition qui aboutit enfin au même résultat que la faim spécifique (carences alimentaires) peut être causée, non par la pénurie d'éléments nutritifs, mais par la mauvaise connaissance et utilisation de ceux-ci ; exemple : riz décortiqué, manioc, consommation exclusive de maïs...

Surnutrition, gaspillage, dénaturation des aliments, insuffisance des recherches sur la valeur des régimes alimentaires et leur coût énergétique. Dans les pays riches, il existe un état permanent de surconsommation qui engendre de nombreuses maladies dont le coût de soins retombe sur la collectivité. La motivation du " profit " conduit à produire des aliments dénaturés, carencés, qui ont coûté très cher et dont le pouvoir nutritif est presque nul (pain blanc, sucre blanc...).

L'insuffisance des recherches et des confrontations sur la valeur diététique des régimes alimentaires et des aliments tels que la viande et les céréales complètes conduit à un gaspillage honteux de l'utilisation des terres cultivables; Il faut 5 fois moins de surface pour nourrir des hommes avec des céréales qu'avec de la viande.

La plupart des aliments dénaturés deviennent toxiques et engendrent de nombreuses maladies dites "de civilisation" ; ils accélèrent la dégénérescence physique et morale de l'humanité.

C'est par une meilleure éducation qu'on pourra venir à bout de cette forme de malnutrition..

Tous ces aspects du phénomène - faim que l'on découvre surtout dans les " régions économiquement dominées ", mais aussi dans les couches pauvres de la population des " régions nanties " sont, évidemment, grandement préjudiciables à la vie, à la santé physique et psychique de l'homme et à sa dignité, et il serait grand temps que les pouvoirs publics nationaux et internationaux coopèrent au-dessus de leurs intérêts égoïstes pour y mettre un terme.

Nous comprenons aisément que les solutions susceptibles d'être apportées dans le domaine de la faim dans le monde, sont étroitement liées aux problèmes du développement économique. Il est également facile de comprendre que ces problèmes de développement doivent être en premier lieu observés d'une manière mondiale, ce qui n'empêche pas de tenir compte des impératifs et problèmes particuliers aux différentes régions du globe.

Commission Faim et Développement
des Citoyens du Monde