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bulletin du Fonds Mondial de Solidarité Contre la Faim


(31,1) Décembre 1990

  G A T T... LOME... P.M.A....

Et nous, et nous, et nous ?

 

Il ne manque pas, en ce bas monde, de personnes bien intentionnées pour voler au secours des pauvres de la planète. Depuis 1947, on n'arrête pas d'en parler des pauvres de la planète. D'en parler ! Qu'on en juge :

 

Le tout se déroule sur fond de négociations du GATT. C'est l'"Accord Général sur les Tarifs et le Commerce". Objectif réguler l'ensemble des échanges économiques mondiaux, au mieux des intérêts de tous. Méthode : libéraliser, libéraliser, libéraliser, libéraliser. Ceci sans trop se soucier de l'état initial des rapports de force économiques entre pays et entre Nord et Sud. Autant dire que "l'ombre du GATT plane sur les stratégies alimentaires de nombreux pays"(1) lorsqu'il s'agit des produits agricoles ou connexes.

 

En fait, au plan agricole, le GATT est le lieu d'affrontement des protectionnismes américain et européen. Hormis un petit groupe de pays tiers qui a les moyens de tirer profit de cette situation, les autres - le Tiers-Monde - sont laminés dans cette guerre titanesque. D'ailleurs, le paradoxe n'est pas mince de voir "le GATT forum international, se transformer en un outil efficace pour combattre ou défendre les politiques nationales "(2).

Mais où est donc la voix des paysans, dans cette cacophonie ? Il est d'ailleurs clair que les politiques agricoles et commerciales des grandes puissances contrecarrent les efforts des O.N.G. (Organisations Non - Gouvernementales) du Nord et du Sud pour l'autosuffisance alimentaire et les projets de développement rural (3). Paysan, paysan, que penses-tu de cela ?

Oui, mais il y a les accords de LOME qui, pour n'avoir pas l'ampleur mondiale du GATT, se veulent néanmoins un exemple à suivre. Ils intéressent la CEE (Communauté Économique Européenne) d'une part, les pays " A.C.P. " (Afrique, Caraïbes, Pacifique) d'autre part. Il s'agit. d'organiser une aide financière au développement, des " préférences commerciales " et la stabilisation des recettes d'exportation des produits de base. Échec total : fin 1987 les cours des matières tropicales exportées par l'Afrique étaient revenus au niveau de 1961 et l'an dernier café et cacao ont perdu 40 % de leur valeur (4). Il faut dire que la C.E.E. n'ouvre pratiquement pas son marché aux productions ACP qu'elle entend soutenir... mais qui concurrenceraient ses propres produits.

Et puis, le système des préférences, déjà ténu, a peu de chance de résister au vent de libéralisation imposé par le GATT. Planteur, planteur, que penses-tu de cela ?

Bon. Mais la solution ne viendrait-elle pas de la CNUCED (5) ? La deuxième Conférence sur les P.M.A. (Pays les moins Avancés) a fait, à Paris, de belles propositions. L'ennui, c'est que les choses ont plutôt sévèrement régressé depuis la première conférence, 10 ans plus tôt : de 24 dans les années 70, les P.M.A. sont passés à 4l aujourd'hui. Et chez ceux-là se sont accrues la pauvreté et la dépendance.

C'est, entre autres, que nombre de pays développés ne tiennent pas leurs engagements. C'est aussi que l'aide est un tonneau percé lorsque les classes dirigeantes des PM.A. les détournent à leur profit. Mais qui maintient au pouvoir des dirigeants corrompus dont les pratiques clientélistes asphyxient les investissements de développement ? Autant dire que les bonnes intentions resteront lettre morte sans un minimum d'ingérence dans le contrôle du suivi de l'aide. Fait significatif, la Conférence en appelle... aux O.N.G. pour ce contrôle ! A-t-elle une telle défiance vis-à-vis de ses propres membres (les États) ?

Citoyen, citoyen, que penses-tu de cela ?

Alors nous, au FONDS MONDIAL, n'avons pas ces états d'âme et nous continuerons imperturbablement notre modeste chemin tant il est vrai que la solidarité directe entre les personnes et les populations est la seule qui puisse être désintéressée, la seule qui ne s'épuise pas au passage des filtres institutionnels ou affairistes en perdant son sens et sa finalité.

Ami lecteur, que penses-tu de cela ?

Alain Cavalier


1. " Stratégies alimentaires " n° 25, 1989.

2. " La Lettre de Solagral " n° 91, 1990.

3. Réunion non gouvernementale de Montréal, Décembre 1988.

4. " Alternatives Économiques " n° 74, 1990.

5. Conférences des Nations Unies sur le Commerce et le Développement.

 

 


page réalisée par Daniel Durand