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condamnée par la Cour pénale internationale |
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Le 22 août 2016, Ahmad Al Faqi Al Mahdi a plaidé coupable pour l'organisation et la participation à la mise en oeuvre de la destruction de neuf tombes de saints soufis à Tombouctou, au nord du Mali. C'est le premier procès de la Cour pénale internationale dans lequel la destruction de sites désignés par l'UNESCO comme patrimoine culturel de l'humanité est un élément majeur de l'accusation. Le procès est un événement important pour la protection de biens culturels en période de conflit armé. Le témoignage contre Al Faqi Al Mahdi était accablant car il était initialement fier de sa réputation iconoclaste et il parlait ouvertement dans des réunions publiques et dans ses discours de la " police morale " dont il était le guide intellectuel. Une bonne part de la pratique islamique dans le nord du Mali est influencée par le soufisme, un courant de dévotion qui met l'accent sur la pratique personnelle plutôt que sur la pratique communautaire. Les dirigeants soufis sont considérés comme des " saints " -la terminologie catholique romaine étant l'équivalent le plus proche. A la mort de certains soufis, on construit un mausolée. Dans le cas du nord du Mali, le mausolée est fait de boue séchée et de briques, plutôt facile à détruire si c'est le but. Le mausolée d'un saint devient un but de pèlerinage pour les membres de l'ordre soufi dont le saint était membre. Certaines tombes de saints qui ont une réputation particulière deviennent des sites de pèlerinage pour les gens de la région, le site est souvent considéré comme ayant des pouvoirs de guérison ou apportant une protection. Durant la plus grande part de l'histoire malienne, les pratiques soufies coexistèrent avec une certaine tension à l'égard des autres pratiques islamiques. Cependant, les positions iconoclastes et anti-soufies de l'Arabie Saoudite ont été répandues à la fois par des prêcheurs saoudiens qui allaient prêcher dans d'autres pays et par des gens qui allaient étudier l'islam en Arabie Saoudite. Al Faqi Al Mahdi a été formé à la fois dans une école coranique non-soufie dans le nord du Mali, non loin de Tombouctou et en Arabie Saoudite. Il fut aussi formé dans une école gouvernementale du Mali pour les professeurs et Al Faqi Al Mahdi avait été le professeur principal d'une école primaire au nord du Mali En mars 2012, le Mali était effectivement divisé en deux par un soulèvement armé dans le nord. Les deux moitiés étaient d'une taille à peu près égale, chacune d'environ la moitié de la taille de la France. Sur les 9 à 10 millions d'habitants du Mali, environ 90 pour cent vivent dans le sud. 10 pour cent de la population sont dans la partie nord du pays. La majorité des gens du nord sont des Songhoy qui se sont installés comme agropastoralistes cultivant du riz, du blé et du sorgho. Dans le nord aussi, mais en minorité contrairement aux Songhoy, il y a les Touaregs, environ 800 000, à l'origine un peuple nomade éleveur de troupeaux que l'on trouve aussi au sud de l'Algérie et au Niger. Ils se considèrent comme " Tamazight " -ceux qui parlent la langue tamazight. Touareg fut au départ un terme péjoratif. Mais le terme de Touareg était si largement utilisé qu'ils ont fini par l'utiliser pour eux même. En mars 2012, la partie nord du Mali se trouva sous le contrôle de deux groupes touaregs rivaux avec des combattants supplémentaires non-touaregs venant d'autres pays du Sahel et du nord du Nigéria. La faction touareg la plus importante était le " Mouvement national de libération de l'Azawad " (MNLA). Elle était plus importante que sa rivale mais moins bien armée. Son objectif principal était de créer un État indépendant qui s'appellerait l'Azawad. Le rival touareg était " Ansar Dine " -défenseurs de la foi- un groupe davantage islamiste qui voulait appliquer la loi islamique à l'ensemble du Mali. De nombreux combattants d'Ansar Dine avaient été entraînés en Lybie. Une partie de l'armée et des milices libyennes du Colonel Mouammar el-Kadhafi était composée de Touaregs qui retournèrent dans le nord du Mali avec leurs armes lors de la perte du pouvoir de Kadhafi. Bien que Al Faqi Al Madhi ne fût pas au départ membre de Ansar Dine, il se rapprocha de plus en plus du Mouvement et de sa vision d'un Mali islamiste. De mars 2012 à janvier 2013, quand les troupes françaises furent envoyées au Mali sous mandat du Conseil de Sécurité de l'ONU, une grande part du Mali du nord était sous le contrôle de Ansar Dine qui essaya d'imposer sa vision de la loi islamique sous toutes ses formes les plus étroites et répressives. La musique, le tabac et l'alcool étaient bannis et les tombes soufies furent détruites. Il y eut un souci international croissant concernant la destruction gratuite d'un patrimoine culturel. Le 27 février 2015, le Conseil de sécurité de l'ONU condamna la " destruction délibérée d'objets religieux et culturels irremplaçables situés au Musée de Mossoul et l'autodafé de milliers de livres et de manuscrits rares à la bibliothèque de Mossoul ". quelques jours plus tôt, des milliers de livres de la bibliothèque de l'Université de Mossoul en Irak avaient aussi été brûlés. Le Musée de Mossoul avait un grand nombre de statues des civilisations mésopotamiennes préislamiques ainsi que des statues de la période grecque. Le porte-parole de la faction de l'Etat islamique (ISIS) qui réalisa la destruction soutint que les statues représentaient des dieux adorés alors que seul le vrai dieu devait recevoir l'adoration. Cette approche des croyances préislamiques et de leur culture matérielle est la même qui a conduit à la destruction des grandes statues de Bouddha à Bamian, en Afghanistan, monuments qui témoignaient de la riche culture le long de la route de la soie. Cependant, la destruction des tombes soufies à Tombouctou met en lumière de nouveaux courants dangereux de divisions au sein de la communauté islamique -des actions anti-soufies qui doivent être surveillées et contrées. Il y a eu des efforts antérieurs pour préserver l'héritage culturel à l'époque de conflits armés, en particulier le Pacte panaméricain Roerich en 1935 et la Convention de La Haye en 1954. Le procès de Ahmad Al Faqi Al Mahdi par la Cour pénale internationale est le premier cas concernant une Cour internationale qui s'occupe de dommages délibérés contre des sites culturels désignés par l'UNESCO. Bien que les tombes soufies aient été reconstruites, essentiellement grâce aux efforts de la population locale, le concept de criminalisation de la destruction délibérée du patrimoine culturel devient petit à petit une part du droit mondial. C'est une tendance qui doit être encouragée. 24/08/2016 Article traduit de l'anglais par Jean-Luc
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