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Bertha Von Suttner (1843-1914)

" Bertha Von Suttner (1843-1914), militante laïque, féministe, pacifiste, aristocrate autrichienne en rupture avec la tradition mais oeuvrant pour la paix internationale et pour un humanisme universel "

Intervention de Marie-Antoinette MARTEIL,
enseignante, Docteure en Etudes germaniques
lors du 70ème anniversaire de la citoyenneté mondiale

Résumé :

Bertha Sophie Felicitas comtesse Kinský von Wchinitz und Tettau, baronne von Suttner, née le 9 juin 1843 à Prague, morte le 21 juin 1914 à Vienne, fut une pacifiste autrichienne radicale, lauréate en 1905 du prix Nobel de la paix. Issue de la haute aristocratie austro-hongroise, elle reçut de son milieu social une éducation assez cosmopolite et apprit dès son plus jeune âge à parler plusieurs langues. Elle a été présidente de " l'Association autrichienne des amis de la paix " et vice-présidente du Bureau International de la paix qu'elle a contribué à créer, de sa formation en 1892 à sa mort en 1914. Elle a participé à presque tous les congrès de la paix à partir de 1891 dans différents pays d'Europe et 2 fois aux USA. Comme seule femme elle a participé activement, même si elle n'assistait pas aux séances plénières à la conférence de la Haye en 1899 et en 1907, qui ont créé au moins sur le papier la Cour Internationale d'Arbitrage et ouvert ainsi la voie au CPI. Elle a préconisé une société des nations et la création d'une force d'intervention pour régler les conflits inévitables entre les nations ce qui explique que ses archives soient conservées au siège de la SDN à Genève.

Elle a consacré une bonne partie de sa vie à promouvoir le désarmement et la paix par ses écrits dits de belles lettres comme par ses écrits de propagande ou de polémique. Elle a toujours milité pour une humanité pleine et entière où hommes et femmes auraient les mêmes droits et la même considération car pour elle il n'y a pas de différence entre les deux sexes ; Celles du temps présent sont induites par l'éducation et l'ère du temps mais n'ont aucun fondement scientifique ou intellectuel. Son objectif est d'avoir une société où tous dans le monde auraient pleine conscience et pleine responsabilité.

Intervention globale :

La baronne Bertha von Suttner, née Kinsky, une mondialiste?

Je vais vous parler de Bertha von Suttner en quelques mots alors qu'il faut des heures pour cerner son œuvre. Célèbre à son époque elle est inconnue de nos jours. Si elle a sa place ici, à ce colloque c'est en raison de son action pour la paix et son engagement pour un humanisme international. Née en 1843 à Prague dans la célèbre famille Kinsky qui a donné pléthore de militaires et de gouvernants à l'empire des Habsbourg. Elle a été élevée par sa mère, son père étant décédé avant sa naissance elle a eu une enfance solitaire mais heureuse dans la pure tradition aristocratique, pendant laquelle elle a lu énormément et appris le français, l'anglais, l'italien dans les châteaux de son tuteur à Brnô et en Moravie. A l'adolescence elle a accompagné sa mère allant de ville d'eau en métropoles mondaines partout où les loisirs de l'époque attiraient la Société aristocrate bohème et où une belle fille comme elle avait des chances de trouver un bon parti.

Bertha von Suttner y a goûté la frivolité se payant le luxe de rompre ses fiançailles officielles avec un richissime banquier de 52 ans et maniât de presse qui avait voulu l'embrasser, pour la seule raison que pour elle " c'est une abomination pour une jeune fille de donner sa main à un homme si vieux, uniquement parce qu'il est millionnaire. Cela s'appelle se vendre " . De refus en recul elle a atteint les 30 ans, l'âge fatidique pour une femme, et plutôt que de rester broder avec sa mère elle est entrée comme gouvernante chez le baron Suttner à Vienne, où elle éduquait les quatre filles, en langues, musique et convenances diverses. Elle y est restée 3 ans jusqu'à ce que la baronne découvre l'idylle entre elle et le fils cadet Arthur.

Elle passe alors une petite quinzaine à Paris comme gouvernante et secrétaire du chimiste A. Nobel. Séjour bref mais fructueux pour les deux car l'inventeur de la dynamite a échangé avec elle sur les sujets de la guerre et de la paix, des armes et de ses projets, lui révélant qu'il souhaitait " inventer un produit ou une machine produisant un effet de destruction de masse telle que la guerre en deviendrait absolument impossible". En fait il préconise d'établir un équilibre de la terreur entre les nations. Tombé sous le charme de Bertha il a mis à ses pieds sa fortune et son nom, mais elle était trop amoureuse pour rester loin de l'élu de son cœur et dès que Nobel est parti en Suède pour son travail elle a, délaissant le " bon parti ", repris la route de Vienne où elle a épousé son Arthur désargenté quelques mois plus tard en catimini. Ils se sont embarqués aussitôt pour la Géorgie où ils ont vécu, de 1876 à 1885, 9 années capitales, d'abord parce que pour survivre ils ont effectué de petits travaux et surtout se sont mis à écrire : articles, nouvelles, petits romans qui plaisaient au lectorat surtout féminin et leur ont permis d'être reconnus. Le second point capital étant le vécu en direct de la guerre russo-turque en plein dans la zone des combats.

De retour au pays en 1885 dans la famille Suttner, au château de Harmannsdorf le couple continue ses activités littéraires malgré une cohabitation difficile car politiquement parlant, les parents étaient proches du pouvoir impérial, très conservateurs, très pieux et militaristes alors que le jeune couple était libéral, progressiste, athée et pacifiste. Le travail de Bertha comme écrivain, n'était accepté que parce qu'il contribuait aux charges du château qui était, lui, un puits sans fond, mais l'argent permit au jeune couple de voyager.

C'est au cours de l'hiver 1886 que le couple a pu séjourner à Paris où ils ont retrouvé Nobel Celui-ci les a introduits dans divers salons où se réunissait " l'intelligentzia parisienne " dont je ne citerai que Renan, Daudet, Mme Roland, revancharde et nationaliste mais aussi le Dr Löwenthal. Celui-ci leur a parlé de " l'International Arbitration and Peace Association" de Londres. Le but de cette association, présidée par Hogdson Pratt, est de remplacer la violence des armes par la création d'un tribunal d'arbitrage international pour régler les conflits entre les États. Aussitôt Bertha von Suttner " prit feu et flamme " pour cette idée qui " correspondait à ce qu'elle portait en elle " . Selon son habitude, elle se renseigne immédiatement avec précision sur le mode de fonctionnement de l'association et sur les personnes qui l'animent. A partir de cette rencontre le thème de la paix ne l'a plus quittée.

En rentrant de Paris elle ajoute un chapitre à son excellent ouvrage philosophique l'âge des machines, déjà prêt à la publication. Elle y développe ses nouvelles convictions. Si l'ouvrage lui a valu un beau succès dans les milieux intellectuels, il n'a pas touché le grand public.

Ensuite, pour rendre service au mouvement de la paix et militer selon ses moyens (l'écriture), elle décide d'écrire un roman afin de toucher le grand public. Et ce fut Bas les Armes!, publié fin 1889. Ce roman, écrit sur la base de faits précis récoltés par la consultation de beaucoup d'archives et d'interviews, dépeint les horreurs de la guerre et l'absurdité de la course à l'armement à travers le destin de Martha une comtesse autrichienne qui traverse quatre guerres : (1859, 64, 66, 70). Confrontée à la guerre, elle effectue le même cheminement intellectuel que l'auteure, passant de l'adulation du militaire et de la considération de la guerre comme un phénomène naturel inéluctable à la défense inconditionnelle de la paix, car " la guerre est un crime contre l'humanité et marque un retour à l'état sauvage ".

Les difficultés d'édition du début, car il " n'était pas pensable d'écrire contre la guerre dans un pays comme l'Autriche" , n'ont pas empêché le livre de devenir en quelques mois un bestseller et même avant la guerre de 14 un " Millionenseller " avec une traduction en 16 langues occidentales, et 62 éditions officielles. À partir de 1890 elle va consacrer le plus clair de son temps et toute son énergie à prêcher la paix. Il faut donc que je précise sa conception qui s'affinera certes mais ne variera plus sur les grandes lignes.

Pour Bertha von Suttner la paix n'est pas un état en soi, elle est toujours à construire. Selon la conception habituelle la paix est en fait un ensemble d'actes diplomatiques, de conventions écrites entre deux ou plusieurs États pour régler la nouvelle répartition des territoires, à l'issue des combats. C'est alors une absence momentanée de guerre, elle est toujours armée et dure le temps que les protagonistes refassent leurs forces ou qu'une nouvelle alliance se profile à l'horizon.

De ce fait " chaque guerre contient en germe la guerre à venir. " Chaque nation ou peuple vaincu veut prendre sa revanche et attise chez ses membres la haine pour le vainqueur. L'humiliation infligée à une nation entraîne des réactions terribles dont on ne sait où elles s'arrêteront. (cf Versailles en 1918 ! À son époque les causes de la guerre étaient le nationalisme, l'esprit de revanche et le militarisme.

La guerre c'est toujours la destruction des forces vives de la nation dans des affrontements meurtriers et le gaspillage financier dans le surarmement au lieu d'éradiquer la misère dans la population. Il est à noter que la colonisation est devenue pour elle, au fil des ans, une guerre comme une autre et non plus une tâche de civilisation.

Pour présenter ses idées et les faire valoir, l'auteure a opté, par pédagogie, pour un style romancé, agrémenté de multiples exemples, rendant ses ouvrages accessibles au plus grand nombre, exprimant par là son ambition maintes fois répétée d'éclairer les lecteurs, de les instruire en les divertissant. Ce qui lui a valu de nombreuses critiques et le reproche injustifié d'être larmoyante. Notons au passage que pour elle il n'y a pas de différence de conception entre les hommes et les femmes. Autant que mes investigations me permettent de l'affirmer il n'y a pas de différence entre les hommes de sexe masculin ou féminin, en ce qui concerne leur position respective dans la question de la paix. L'enthousiasme pour les faits et les héros de guerre se trouve aussi bien chez les femmes que chez les hommes.

Pour Bertha von Suttner les trois caractéristiques principales de la paix sont qu'elle est une affaire de raison et en aucun cas une affaire de sentiment, qu'elle est universelle et perpétuelle. L'auteure établit un lien étroit entre la violence et l'ignorance et recherche toujours le droit et la loi en toutes choses ; elle pense que la guerre n'est pas juste et n'est pas " une loi ", surtout pas naturelle. Dès le départ elle insiste sur le fait que tous les conflits peuvent se résoudre par le dialogue, permettant de trouver des compromis viables pour les différentes parties. La guerre n'est jamais inéluctable.

Elle voit dans la guerre le mal absolu : " le pire mal que l'humanité connaisse est sans nul doute l'habitude de faire la guerre ", parce qu'elle entraîne la mort d'êtres humains. Elle est contraire à la vie et à la civilisation. C'est un reste de barbarie, un " ensauvagement " pour utiliser un terme cher à Alain Finkielkraut. C'est une régression culturelle et humaine que rien ne peut justifier. Alors que tout dans la civilisation va de l'avant, la guerre nuit au progrès à la fois de l'être humain et de la nation, car tout l'argent et toutes les forces créatrices sont au service de l'armement et de la guerre et non au service de l'homme. Pour elle, la guerre est mauvaise dans tous les domaines, humain, social et économique. Elle réfute l'idée que la guerre apporte des progrès scientifiques et techniques. Ces derniers sont le fruit de la recherche et sont détournés pour la guerre. De toutes façons les pertes humaines considérables, la souffrance des soldats et des civils ne peuvent être considérées comme des progrès et les vertus de courage, force, abnégation, amour de la patrie, invoquées pour défendre la guerre ne peuvent justifier celle-ci qui " déshumanise, transforme en tigre, en démons… ". En plaçant l'homme au centre de son système de pensée elle se bat pour que l'humanité progresse.

IV. Son engagement

Avec son roman Bas les armes ! Bertha von Suttner endosse le rôle de vulgarisatrice de la paix par l'écriture, mais dès 1890 l'énorme succès du roman propulse les époux Suttner, mais surtout Bertha sur le devant de la scène publique européenne. Son action peut se synthétiser en six sortes d'activités :

1) La création de sociétés de la paix : à Venise en 1891, puis en Autriche en novembre 1891, vont suivre différentes Sociétés de la Paix à Berlin en novembre 1892 et à Budapest décembre 1895.

2) La fédération des mouvements de la paix : La fédération s'est constituée à Berne en 1892 à la suite du congrès de Rome. (Elle existe toujours). Bertha en était vice-présidente, car une association internationale ne pouvait être dirigée par une femme et dans les rencontres politiques il n'était pas concevable d'être représenté par une femme. Mais dans les faits c'est elle qui a organisé la fédération et ses publications. Ses amis du mouvement l'appelaient leur "général en chef ".

La motion Capper-Moneta-Suttner, adoptée en 1892 au Congrès de la paix de Berne, exprime la vision de l'Europe de Bertha von Suttner

La prochaine étape est là, comme quelque chose de très concret, très accessible, détaché de toute généralité théorique et éthique : La construction d'une Union Européenne d'États. […] Une idée complètement incomprise encore à l'époque et généralement [confondue] avec États-Unis et honnie pour l'Europe. Tellement honnie qu'un journal suisse portant le titre Les États-Unis d'Europe, s'est vu refuser le droit d'entrée en Autriche.

Quelle qu'ait été la forme choisie pour l'Europe, fédération, confédération ou union d'intérêts, un pacte entre les nations semblait être le seul rempart contre les guerres. Un tribunal d'arbitrage, le moyen idéal pour aplanir les différents qui ne pouvaient manquer d'apparaître entre les nations. Une constitution était nécessaire pour établir le droit politique international et garantir ainsi le destin de l'humanité. Cette vision peut paraître optimiste car le nationalisme exacerbé, l'égoïsme et l'orgueil national sont très nettement supérieurs à l'altruisme et au désir de concorde.

3) La participation aux congrès de la paix : Bertha représente l'Autriche au congrès de la Paix de Rome en 1892, où une femme (Bertha von Suttner) prend pour la 1ère fois la parole dans le Colisée, puis à presque tous les congrès annuels de la paix, y compris aux États-Unis à Boston en 1904 où elle a rencontré le président Theodore Roosevelt et à nouveau en 1912.

4) Les publications : A partir de 1895 elle a une intense activité politique, journalistique et épistolaire au détriment de sa production littéraire qui baisse en quantité et surtout en qualité. Elle publiait, sans discontinuer, brochures, articles, libelles, pamphlets et autres récits brefs dans un style virulent, répétant sans cesse qu'à l'inverse du proverbe " la force prime le droit " il faut imposer que " le droit prime tout." Pour elle il faut instituer des lois strictes et claires, européennes, voire internationales, qui régiront pacifiquement le monde et permettront un règlement pacifique des conflits inévitables, car il ne faut pas confondre conflit (qui est la vie) et guerre (qui est la mort). Pour cela il faut un organisme international chargé de garantir le maintien de la paix et de régler les litiges entre États, ainsi qu'une force d'interposition genre " casques bleus ". Ses solutions sont simples : il faut désarmer (ce qu'elle prêche en pleine période d'armement intensif !) et créer l'Europe (à un moment où l'individualisme nationaliste est exacerbé). Elle ne craint pas d'interpeller les gouvernants. Ses écrits engagés sur le sujet sont très nombreux mais deux titres suffisent à montrer qu'elle prêche à contre courant : Armement, Surarmement et Désarmez !

5) Correspondance : Parallèlement elle entretient une très volumineuse correspondance (entièrement de sa main) avec toute l'intelligentzia européenne de l'époque, défendant tous ses grands thèmes.

6) Conférences : Elle donne avec beaucoup de succès de très nombreuses conférences en Europe (Allemagne, Suisse, Italie, Scandinavie) et en Amérique. Aucune en Autriche. Son but était invariablement le désarmement et l'aplanissement des conflits latents, en étroite relation avec " l'Union Interparlementaire (IPU) " rassemblant les parlementaires de tous les pays œuvrant pour la paix.

En 1898, le manifeste du tsar Nicolas II, appelant au désarmement et à la réunion de délégués de tous les pays d'Europe pour un accord de paix définitif mérite une attention spéciale. Bertha von Suttner fit campagne pour la réalisation de la rencontre, ne craignant pas d'être tournée en ridicule par les caricatures très virulentes à ce moment-là. En fait, elle ne semble pas en avoir été affectée outre mesure mais avoir considéré que cela contribuait à la publicité pour son mouvement. Mieux vaut une caricature que l'indifférence.

C'est en mai-juin 1899 que se réunit la première Conférence de la paix de La Haye. Comme seule femme admise à cette conférence Bertha von Suttner a vécu là le sommet de sa gloire, mais aussi au final une de ses plus grandes déceptions. Si elle ne pouvait assister aux réunions plénières, elle tenait salon et les délégués comme les envoyés des journaux se pressaient autour d'elle pour échanger et faire évoluer les choses. Elle était le centre de ce petit monde, " le centre in-officiel de l'ensemble " selon les mots de Theodor Herzl, le père du sionisme et travaillait à la promotion de ses idées : une conférence diplomatique pour la paix et le désarmement, l'institution d'un tribunal pénal international (TPI), l'extension du droit international et la solidarité des peuples cultivés ; elle prônait même un droit d'ingérence pour raison humanitaire, un siècle avant B. Kouchner. Le résultat de la conférence ne fut pas à la hauteur des attentes, en grande partie à cause de la délégation allemande qui était complètement opposée à la paix. On y organisa la guerre, la rendant si l'on peut dire " plus humaine " selon les préconisations de la Croix Rouge, nouvellement institutionnalisée et on interdit l'emploi de certaines armes. Le tribunal international d'arbitrage (TPA) fut créé mais ne reçut jamais la signature des gouvernements.

Bertha eut bien du mal à se remettre de l'échec de ce qu'il est permis d'appeler une utopie, d'autant que la course aux armements avait repris de plus belle, que la culture de la haine fleurissait et que le nationalisme s'exacerbait. Les conflits se multipliaient un peu partout : guerre des boers (1899-1902), révolte en Chine (1900), affaire du Venezuela (1902-1903), guerre russo-japonaise en Mandchourie (1904-1905) etc. Cette dernière a montré qu'il ne restait rien du " Tsar de la paix " et de ses promesses de désarmement et de paix que des engagements non tenus et une volonté de puissance personnelle masquée sous un double langage.

1907 a vu se réunir la seconde conférence de la Haye à l'initiative du président Theodore Roosevelt, même s'il en laissa la convocation officielle au Tsar. Elle n'apporta que déceptions puisqu'il fut impossible d'inscrire la question du désarmement à l'ordre du jour et que les commissions ne se penchèrent que sur des questions disons humanitaires et des arrangements pour atténuer les méfaits de la guerre. En effet, tous les pays d'Europe se préparaient à la guerre. Partout il n'était question que d'augmentation des crédits militaires et les discours nationalistes et bellicistes se succédaient, dûment relayés par une presse majoritairement acquise. Bertha von Suttner en fut très affectée mais elle redoubla d'activité polémique.

V. Prix Nobel

Comme annoncé d'entrée, elle reçut le prix Nobel de la paix en 1905. Même après sa fuite de Paris, elle est restée en étroite relation avec Nobel. Leurs échanges ont été fructueux pour eux et pour la paix. A la fin de sa vie Nobel stipula dans l'une des clauses de son testament qu'une partie de sa fortune devait récompenser " celui ou celle qui aurait le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des congrès pour la paix " Bien sûr Bertha et ses amis pensaient qu'elle serait la première récipiendaire de ce prix. Mais il lui fallut attendre cinq ans, tout simplement parce qu'elle était une femme !

N'était-ce pas une chance pour elle de mourir le 21 juin 1914, soit une semaine avant l'attentat de Sarajevo qui ruinait les espoirs de paix dans les Balkans et qui devait conduire à ce qu'on a appelé la " Grande Guerre " et qui fut une énorme boucherie ? Elle n'avait pas cessé de mettre en garde contre la course aux armements, sûre que l'aviation serait utilisée pour bombarder les populations civiles aussi et prévoyant à terme l'utilisation du radium pour créer une bombe, avant-courrière de la bombe atomique. Comment aurait-elle surmonté ce désastre de 1914-1918, elle, qui s'était tant démenée, pour que gouvernants et politiques deviennent "raisonnables" et renoncent à leurs diatribes et menées belliqueuses et à " l'insane obstination des militaires " ? Où était la raison dans ces combats fratricides ? Stefan Zweig écrivait en juin 1918 : " Justement cette femme, dont on pouvait penser qu'elle n'avait que ces trois mots (bas les armes ) à dire au monde, elle avait saisi à la racine, d'une main ferme la pensée le plus profonde de notre temps…Elle ne reculait pas à réclamer ce qui était apparemment inaccessible. […] Pourtant elle savait que le pacifisme était toujours inopportun, en temps de paix comme en temps de guerre." Elle a continué à remplir sa mission jusqu'au bout puisque ses derniers mots le 21 juin 1914 furent : " Bas les armes ! Dites-le leur "

 

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