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Citoyens du Monde de réputation mondiale - Information
Louis Sauvé (01/10/1917-10/02/2019)

Hommage : Cahors - Auvray

Entretien avec le Docteur Louis Sauvé

Quel fut le point de départ de votre engagement ?

Comme tous les jeunes de mon âge, j'ai été mobilisé en septembre 1939. N'étant alors qu'étudiant en 1ère année de médecine, j'ai revêtu l'uniforme d'infirmier. Lors de l'offensive allemande du 10 mai 1940, je me suis porté volontaire dans l'artillerie. Mais après la chute de Berlin, j'ai compris comme tous les Français, que la guerre était une chose horrible que n'avait pu empêcher la Société Des Nations. Nous partagions pourtant avec l'Allemagne un capital culturel commun exceptionnel (philosophique, littéraire, musical ... ) auprès duquel des frontières conventionnelles me parurent ridicules. Le patriote que j'étais est donc devenu mondialiste sans le savoir et malgré tout, très fier d'être français.

De quelles manières étiez-vous déjà engagés ?

Nous avions déjà fondé, en 1941, mon ami le Dr Pierre Richard et moi, l'association Pierre-neuve, observatoire de l'exode rural et des problèmes d'environnement liés à l'industrialisation... Parisien de naissance, je me suis installé comme médecin à Gramat fin 46. Ayant acquis une certaine expérience de l'anesthésie dans le service de mon père, alors Président de l'Académie de Chirurgie, le nouveau chirurgien de Cahors demanda ma collaboration. Après un stage de quatre mois à l'Hôpital Broussais dans un service de pointe de chirurgie thoracique, je suis arrivé à Cahors comme vacataire dans le service du Dr jean Rougier, où le Dr Lolmède fit venir son ami le Dr Georges Toulemonde. En juin 1948, j'ai alors jeté les bases, le premier en milieu rural, d'un service de Réanimation-Anesthésie et dans la foulée, le second Centre de Transfusion après Toulouse, ainsi qu'un service de Pédiatrie...

Comment êtes-vous entré en relation avec Robert Sarrazac ?

C'est tout à fait par hasard qu'en janvier 1949, Sarrazac (nom de résistance, de son vrai nom Robert Soulage), ancien créateur du Service Nationale des Écoles de Cadres des Maquis-Écoles, initiateur du Centre de Recherche et d'Expression Mondialiste, rencontra dans le train de Toulouse, un instituteur de Cahors, Emile Baynac. Ce fondateur des Francs et Franches Camarades (un ami, entre autres, d'Orson Welles qu'il fera venir dans le Lot en 1953) fut de suite emballé par les projets de Sarrazac. Emile Baynac communiqua son enthousiasme à son ami Guy Marquis, chef de bureau à la Préfecture. Guy Marquis, un de mes premiers donneurs de sang, connaissant mes idées, me proposa de rencontrer Sarrazac.

Vous souvenez vous de vos premiers échanges ?

Je me souviens de ma première rencontre avec ce meneur d'hommes. C'était en février 1949, au " Bordeaux ", le plus grand bistrot de la ville, situé alors au coin du boulevard Gambetta et de la place du même nom. Sarrazac déjà bien renseigné sur mon compte, me dit : " je sais que vous êtes chrétien... J'ai besoin de vous ". Il m'a alors remis un ouvrage de Teilhard de Chardin: " La Planétisation Humaine " et me raconta ensuite rapidement son intervention mouvementé à l'O.N.U. au Palais Chaillot... Sarrazac pressé, prévoyant une course aux armements atomiques, voulait alors se lancer dans une action populaire. Vizille (Dauphiné), en juillet 1788, avait réclamé la Convocation des États Généraux de France. Pourquoi pas aujourd'hui Cahors, mais ceux du Monde ? Pour moi, cette rencontre de février 1949 reste un moment capital de ma vie. C'est en effet dans ce bistrot de Cahors que la "Charte de mondialisation", qu'il avait préparée et pour laquelle, il eut la délicatesse de me demander quelques retouches, a reçu mon agrément enthousiaste. Le mot mondialisation n'avait pas la connotation désastreuse d'aujourd'hui. Nous voulions " une coordination mondiale des activités humaines " par delà les frontières.

Comment avez-vous fait pour convertir tout le Lot ?

Sarrazac décida de créer un " Conseil de Mondialisation " du Lot dont je serais le président. Comme j'étais jeune médecin, parachuté dans le Lot, auréolé d'une spécialité médico-chirurgicale nouvelle, j'étais tout indiqué pour jouer le prophète qui n'est pas du pays. Bientôt j'attirais une poignée d'hommes extrêmement dévoués, de colorations politiques les plus diverses, condition d'une réussite : des enseignants, agnostiques comme Mirouze, des "talas" comme Dehan, des médecins comme Latrémolière et Juskiewinski de Figeac, Henri Gilles de Cahors, un militaire retraité, Glangetas, le libraire Francès qui transforma son magasin en " Permanence ", le fonctionnaire Guy Marquis, un grand nombre de collégiens de terminale, Bettini, Blanc, Henras, Jouve, Le Garrec, Védrunes, des entrepreneurs et conseillers généraux comme Marcouly, tous marchèrent à fonds. On allait bavarder avec tous les conseillers municipaux dans leurs champs, le plus souvent paysans sympathiques et ouverts. je leur disais : " Vous êtes paysan, vous avez les mêmes soucis que tous les paysans du monde, vous devez les résoudre ensemble. La mise en commun de nos savoirs, l'ouverture des frontières sont des occasions exceptionnelles à ne pas rater! ". C'est vrai, il a fallu franchir le cap du ridicule mais chacun de nous avait le sentiment de travailler pour l'Histoire.

Qu'évoquent pour vous les journées des 24 et 25 juin 1950 ?

D'être trop rapidement dépassées par les événements. Ces journées resteront - quoi qu'il advienne - gravées dans l'Histoire du Lot, de la France... et même du Monde. Des drapeaux aux couleurs mondiales flottèrent sur certains édifices publics à côté du drapeau tricolore, la foule en liesse se massait au pied de la Mairie pour écouter religieusement le prix Nobel de la Paix, Lord Boyd Orr, fondateur à l'ONU de la FAO, venu de sa lointaine Écosse. Le pont VaIentré fut l'objet d'un des premiers spectacles " Sons et Lumières ". J'avais même composé le programme musical : le premier mouvement de la 1° Symphonie de Beethoven éclata dans un feu d'artifice ... Ensuite tout le monde, accompagné des délégations étrangères, emprunta la " Route Mondiale n° 1 ". Sur les hauteurs, les paysans avaient allumé d'immenses feux de la Saint-Jean. Arrivé à Saint-Cirq-Lapopie devant le village médiéval embrasé, André Breton, lui-même participant, fut frappé par l'ambiance surréelle 1 Puis voilà que brusquement, dans la nuit, éclata la guerre de Corée. Chacun y vit le déclenchement de la 3' Guerre Mondiale, cette fois-ci atomique. Alors finie la Fête, finie l'épopée...

Que s'est-il passé après ces journées de fête ?

On eut le bref sentiment que tout était fini. Certes, je fus invité à Londres en 1952 par la 2ème Assemblée de l'Association Internationale des Parlementaires Mondialistes, à côté de l'Abbé Pierre. je me souviens d'un dîner mémorable avec mon épouse dans la grande salle à manger du Parlement dominant la Tamise, aux côtés du 1er Ministre Lord Clément Atlee. J'ai participé à une Assemblée des Peuples à Genève. Mais dans le Lot, c'était la démobilisation avec la dispersion de l'équipe, le départ des collégiens des classes de terminales. D'autres départements continuèrent... À ma retraite, j'ai fait restaurer l'orgue de Cahors, créé un atelier de reliure à la prison de Cahors... Ca me fait drôle d'atteindre les 83 ans! C'était hier..

Extrait de la brochure du cinquantenaire
25/06/2000


Cahors : L’hommage rendu au Docteur Louis Sauvé

Il participa notamment à l’épopée des Citoyens du Monde.

Jean-Marc Vayssouze, maire de Cahors, rend hommage au Docteur Louis Sauvé qui vient de nous quitter : « C’est avec beaucoup de tristesse que la cité cadurcienne a appris la disparition du Docteur Louis Sauvé à l’âge de 101 ans. Figure du siècle passé, c’est l’histoire d’un homme engagé, d’un humaniste et d’un visionnaire dont se souviendront la ville et celles et ceux qui avaient eu le privilège de connaître le Docteur Sauvé et d’œuvrer à ses côtés. Acteur de la modernisation de l’offre de soins de notre territoire au sein duquel il créa un département hospitalier et le Centre de Transfusion Sanguine du Lot, il laisse en héritage une structuration sanitaire dont les Cadurciens et les Lotois profitent encore. Président-bénévole de la Croix Rouge départementale, il fit se rejoindre en cette occasion ses compétences et sa générosité. Ouvert à l’autre, à la différence et aux cultures venues d’ailleurs, il participa de cette épopée des Citoyens du Monde, faisant de Cahors la première ville mondialisée à l’orée des années 50. Alors que cet homme de défi, riche de son esprit d’entreprise et de son goût des autres, vient de nous quitter, j’adresse, au nom de notre ville, à sa famille, ainsi qu’à ses amis et celles et ceux qui ont eu l’honneur de le côtoyer, mes sincères condoléances ainsi que le témoignage de notre reconnaissance collective pour l’œuvre léguée. »


Louis Sauvé (10 février 2019)

Il est des moments où l'historien se doit d'être messager. Et porteur d'une triste nouvelle : le Dr Louis Sauvé, qui avait eu 101 ans le 1er octobre dernier, est décédé à son domicile ce dimanche 10 février.

En 1949 et 1950, en pleine guerre froide, alors que planait la menace d'un conflit atomique, il fut de ceux qui, à l'instar d'Albert Einstein et d'Albert Camus, d'André Breton, de l'abbé Pierre et de tant d'anciens résistants, agirent pour un Monde uni, fraternel. Chrétiens ou francs maçons, socialistes ou radicaux, surréalistes ou pacifistes, ils voulaient faire de Cahors une ville qui change le monde. Et ils furent, en effet, deux ans durant, à la Une de la presse.

Louis Sauvé, je ne l'ai rencontré que tardivement. Mais, je dois l'avouer, je viens de passer cinq ans en sa compagnie. Intellectuellement et émotionnellement s'entend. Car, après avoir donné bien des conférences sur Cahors Mundi et la Route sans frontières, le livre sur l'histoire des Citoyens du Monde, que je viens de finir de rédiger, porte cent vingt et une fois (oui, 121 !) son nom. C'est dire si son rôle fut important, essentiel, dans la mondialisation de Cahors et de quelque 240 communes du Lot.

Ce samedi 16 février, à 10 h 30, je serai, comme vous j'espère, présent en l'église Saint-Barthélémy pour rendre hommage à cet humaniste qui sut faire vivre ce beau rêve collectif de fraternité universelle. Ceci, croyants ou non, mais d'évidence pour une fois rassemblés en ces temps terribles où montée des nationalismes, crispations identitaires et individualisme exacerbé, hantent nos cauchemars.

Michel Auvray


En 2013 ou 2014 ?, accompagné par ses deux petits enfants, Louis Sauvé est venu soutenir une des actions des « Sentinelles de la paix » à Laroque des Arc, sur la Route Mondiale de la paix entre Cahors et Saint Cirq Lapopie. Pierre Petric en avait été l’instigateur et François Terroir a poursuivi de nombreuses rencontres avec cette famille formidable, il saurait(a?) confirmer combien ce grand homme a porté haut les valeurs de la citoyenneté mondiale. Nous l’avons également revu à l’inauguration de l’exposition sur André Breton au musée de Cahors, où malgré son âge, son courage l’a mené.
Hommage à lui et toutes mes sincères condoléances à toute sa famille… dont , en quelque sorte, en tant que citoyens du monde, nous faisons un peu parti..

Alain Mila,
président des « Sentinelles de la paix,
une pierre posée n’est pas jetée »

A défaut d'avoir pu inviter ce grand témoin au colloque, il ne faudra surtout pas oublier de le citer dans nos actes de colloque ! Au moins il aura vécu jusqu'à notre récente commémoration et restera ancré gravé sacré dans nos mémoires d'éternité. Soy

Je ne l'ai pas connu. Mais je suis impressionné par ce message et ...me sens tout proche. Roger Winterhalter

Très beau témoignage et quel bel âge associé à son magnifique engagement ! Claudine Fischer

(...)

Hommage à Louis Sauvé, citoyen du monde cadurcien

Le Dr Louis Sauvé nous a quittés, à 101 ans, à son domicile, le 10 février. Lors de ses obsèques, samedi 16 février 2019, en l'église Saint-Barthélémy, alors que le symbole des Citoyens du Monde figurait près du cercueil, l'historien Michel Auvray a rappelé le rôle essentiel qui fut le sien dans l'affirmation de cet idéal de fraternité universelle. Voici le texte par lequel il lui a rendu hommage.

Venu de la région parisienne, Louis Sauvé s'était installé à Gramat en 1946 comme médecin de campagne. Peu après, il intégrait l'hôpital de Cahors pour y créer un service de réanimation-anesthésie et un centre de transfusion sanguine. Ce qui lui valut, dès le mois d'octobre 1948, un article élogieux dans La Dépêche du Midi. Dès l'année suivante, et plus encore en 1950, c'est son action résolue avec les Citoyens du Monde qui lui valut d'être à la Une de la presse, régionale comme nationale.

Quelques années après la Seconde Guerre mondiale, mais déjà en pleine guerre froide, alors que planait la menace d'un conflit atomique, il fut de ceux qui, à l'instar d'Albert Einstein et d'Albert Camus, d'André Breton, de l'abbé Pierre et de tant d'anciens résistants, agirent pour un Monde uni, fraternel. Il voulait faire de Cahors une ville qui change le monde.

Louis Sauvé, je ne l'ai rencontré que tardivement. Mais, je dois l'avouer, je viens de passer cinq ans en sa compagnie. Intellectuellement, et émotionnellement s'entend. En historien. Car après avoir donné bien des conférences, le livre sur l'histoire des Citoyens du Monde, que je viens de finir d'écrire, porte 121 fois son nom. C'est dire si son rôle fut important, essentiel, dans la mondialisation de notre ville et de quelque 240 communes du Lot.

Louis Sauvé, c'est d'abord lui qui, au Bordeaux, met au point avec Robert Soulage-Sarrazac - venu de Neuilly-sur-Seine - la Charte de mondialisation des communes. Cette Charte, qui fut, voici 70 ans, adoptée par une consultation populaire et un vote du conseil municipal proclamant l'avènement de Cahors-du-Monde, Cahors Mundi.

Louis Sauvé, c'est lui qui, depuis le kiosque à musique des allées Fénelon, s'exprime en tant que chrétien au meeting qui, le 17 juillet 1949, rassemble des milliers de Cadurciens autour de Garry Davis, cet ancien pilote américain qui a renoncé à sa nationalité.

Lui qui, aux côtés de Maurice Mirouse et de Marcel Dehan, professeurs au lycée de garçons et conseillers municipaux, parle à maintes reprises dans les réunions. Sur la scène du théâtre, au cinéma Vox de Figeac, à l'Olympia de Gramat.

Lui qui cosigne une nombreuse correspondance avec les autorités et tant d'articles.

Lui qui préside le Conseil de mondialisation du Lot dont le siège est à la librairie Francès, au n° 36 du boulevard Gambetta, où lui succèdera la famille Lagarde.

Lui dont la photo orne des périodiques aussi dissemblables que Combat, Franc-Tireur ou Points de vue, images du monde, en compagnie du maire, Jean Calvet, du Café du Midi au parvis de Notre-Dame de Paris.

Lui qui, enfin, choisit une symphonie de Beethoven pour accompagner, le 24 juin 1950, l'inauguration de la borne de la Route sans frontières au pont Valentré. Et qui accueille le lendemain lord Boyd Orr, le prix Nobel de la paix 1949.

Louis Sauvé se dépensa sans compter pour cet idéal. Il ira jusqu'à Londres témoigner et gardera un souvenir ému de sa réception au palais de Westminster.

Plus tard, n'ayant aucunement renoncé à ses convictions de jeunesse, il honora de sa présence, tant qu'il le pouvait, les manifestations commémoratives, en 1996 à Saint-Cirq-Lapopie, en 2000 puis en 2010 à Cahors. C'est grâce aux précieux documents qu'il avait conservés - et qu'il confia aux Archives départementales - le fonds porte son nom sous la cote 70 J - , que furent organisées plusieurs expositions et même que fut publié, dès 1990, dans Dire Lot, un article important qui réactiva le souvenir de ces événements inédits.

L'engagement de Louis Sauvé fut tel, sa fidélité à cet idéal si constante, que c'est avec ces quelques mots de lui, des propos qu'il donna voici une vingtaine d'années à une journaliste, que j'ai choisi de conclure mon livre consacré à l'histoire des Citoyens du Monde, à Cahors Mundi et cette route aux bornes emblématiques. Ce témoignage, permettez-moi de vous le faire partager : " Nous avons lancé, disait-il, un cri devant l'incapacité totale des gouvernements à gérer la planète. On ne voulait pas mourir avec nos enfants sans dire notre mot. "

" Notre combat était celui de la guerre à la guerre. Nous étions passionnés. […] Aujourd'hui, le terme de mondialisation, que nous avons créé, représente exactement le contraire de ce que nous lancions à l'époque. Pour nous, le mondialisme, c'était un ordre mondial nouveau qui ne soit pas imposé par les plus riches, mais organisé par les voies démocratiques. Ce qui était évidemment très vague, voire complètement farfelu. Mais si on ne rêve pas, on ne fait rien… ", concluait-il.

Alors que la montée des nationalismes et les crispations identitaires, l'individualisme exacerbé aussi, prennent des allures de cauchemar, comment ne pas rendre hommage à cet humaniste qui sut faire vivre ce beau rêve collectif de fraternité universelle ?

Merci, merci beaucoup, Louis.

Michel Auvray

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