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bulletin du Fonds Mondial de Solidarité Contre la Faim


(58,1) Décembre 1997

CONTRE-POUVOIRS MONDIAUX

« Reconstituer le mouvement social au plan mondial ». « Renforcer et densifier les structures actuellement trop lâches ». « Etablir des réseaux permanents à la place des alliances provisoires et fluctuantes ». C’est Dan Gallin(1) qui parle, dans le cadre du forum de Réseau Solidarité « Mondialisation et initiatives citoyennes » qui s’est tenu à Tours le 15 novembre devant une centaine d’auditeurs d’horizons associatifs variés.

Pour Dan Gallin, la globalisation économique et financière s’est imposée au cours des vingt dernières années aux gouvernements et parlements nationaux ainsi qu’aux acteurs sociaux de tous les pays. Cette globalisation permet au pouvoir économique sans frontières de dicter sa loi aux acteurs économiques et sociaux qui se trouvent dans l’incapacité d’agir efficacement au-delà de leurs propres frontières. Alors que l’économie internationale de jadis était un assemblage d’économies nationales plus ou moins conflictuelles et plus ou moins maîtrisées, la nouvelle économie mondiale a généré des cloisonnements différents des anciens cloisonnements nationaux et entraîne une érosion inéluctable de la souveraineté des Etats.

Il s’en suit un affaiblissement du contrôle démocratique (là où il existait...) sur la production économique, une réduction des capacités de financement de la régulation sociale et un détournement des citoyens de leurs institutions, c’est-à-dire une véritable crise de la démocratie.

Cette dynamique de globalisation est irréversible, et le nier tient de la thérapie incantatoire. Aussi les instruments nationaux de lutte et de régulation sociales sont-ils devenus notoirement insuffisants pour prendre en charge la redistribution sociale des richesses et enrayer, à l’échelle mondiale, la spirale implacable de la montée du chômage, de la dégradation des salaires et des conditions de travail, de la désagrégation de la protection sociale.

Alors, Dan Gallin nous y exhorte : il faut nous attaquer au problème dans sa dimension réelle, qui est mondiale. Face au pouvoir mondial virtuel du F.M.I. et des organismes satellites qui échappent à tout contrôle démocratique, il nous faut « mondialiser l’état de droit ».

Et ce fut le thème central du forum de débattre, en séance plénière comme dans ses trois ateliers spécialisés et autour de la table ronde de clôture, des moyens de dépasser les cloisonnements entre les contre-pouvoirs nationaux existants (entre ONG, entre syndicats, entre ONG et syndicats) pour constituer une véritable capacité mondiale de contre-nuisance au sein de laquelle la lutte pour la démocratie à tous les échelons est essentielle, car elle seule permet aux travailleurs de défendre leurs droits. Soulignons au passage que Citoyens du monde et espérantistes présents au forum ont apporté une contribution remarquée à ce thème qui leur est familier, en soulignant notamment la nécessité d’établir une légitimité institutionnelle à l’expression citoyenne dans sa dimension mondiale.

C’est certes difficile, quand on voit l’éparpillement des initiatives et des moyens, et la disparité des préalables affectifs ou idéologiques qui règnent encore en ce domaine : « si les conditions objectives existent, les conditions subjectives font encore défaut ». Cependant quelque chose bouge. En France, Michel Faucon(2) l’a rappelé, les Assises régionales de la solidarité et de la coopération internationales ont révélé des tendances intéressantes et significatives vers une ouverture prometteuse. Et des mobilisations mondiales, auxquelles s’est associé Réseau Solidarité, n’ont-elles pas été récemment couronnées de succès (3) ?

Au travers des choix stratégiques énoncés par Dan Gallin : globaliser nos propres objectifs pour renforcer les instances internationales, choisir les actions qui portent le plus à conséquences, construire des rapports de solidarité fondés sur la réciprocité, notre Fonds Mondial n’a aucun mal à se reconnaître, non plus que dans cet effort de convergence qui devrait, selon le mot conclusif de Michel Faucon, nous aider à mieux asseoir notre fonction de « citoyen planétaire ».

Alain Cavelier

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1 Ex-secrétaire général de l’Union Internationale des Travailleurs de l’Agro-alimentaire, président du Global Labour Institute.

2 Délégué national du Centre de Recherche et d’Information sur le Développement.

3 Défense des droits des travailleurs de Coca Cola au Guatemala, défense du droit syndical dans une filiale de Phillips-Van Heusen dans ce même pays.

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page réalisée par Daniel Durand