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bulletin du Fonds Mondial de Solidarité Contre la Faim


(63,1) Juillet 1999

"Ces armements qui volent ceux qui ont faim..."

Tel était le titre d'une allocution en forme de cri d'alarme prononcée il y a...46 ans par une personnalité de dimension mondiale. Voici ce que disait cette allocution :

"Il est facile de déterminer le pire que l'on puisse craindre et le mieux que l'on puisse espérer. Le pire est la guerre atomique. Le mieux serait ceci : une vie de crainte et de tension perpétuelles ; un fardeau d'armement épuisant la richesse et le travail de tous les peuples ; un gaspillage de force défiant le système américain, le système soviétique ou tout autre système d'arriver à une véritable abondance et au bonheur pour les peuples de la Terre.

Chaque canon qu'on fait, chaque vaisseau de guerre qu'on lance, chaque fusée qu'on tire, signifie, en fin de compte, quelque chose de volé à ceux qui ont faim et n'ont pas à manger, à ceux qui ont froid et qui ne sont pas vêtus.

Ce monde en armes ne dépense pas seulement de l'argent. Il dépense la sueur de ses travailleurs, le génie de ses savants, les espoirs de ses enfants.

Le coût d'un seul bombardier lourd correspond à celui de trente écoles modernes ou de deux usines d'énergie électrique desservant chacune une ville de 60.000 habitants, ou de deux hôpitaux parfaitement équipés, ou encore d'environ quatre-vingts kilomètres de grande route en béton armé. Nous payons pour un seul avion de chasse le prix de 125.000 quintaux de blé. Nous payons pour un seul destroyer le prix de nouvelles maisons que pourraient habiter plus de 8.000 personnes.

Cela, je le répète, est la meilleure façon de vivre qu'on puisse trouver sur la route que le monde a prise.

Ce n'est pas du tout une façon de vivre, en aucun sens véritable. Sous les nuages de la guerre menaçante, c'est l'humanité pendue à une croix de fer."

Alors, vous avez trouvé ? De qui était ce discours ? John Kenneth GALBRAITH ? Martin Luther KING ? Alfred SAUVY ? L'abbé PIERRE ?

Vous n'y êtes pas du tout ! Tenez-vous bien ! C'était de Dwight D. EISENHOWER, président des Etats-Unis d'Amérique, et ce fut prononcé le 16 avril 1953, à New York, en réponse à l'offensive de paix déclenchée par Moscou après la mort de Staline.

Alors, pourquoi je vous cite cela aujourd'hui ?

Parce que, quelques jours à peine après la fin des bombardements de l'OTAN sur le Kosovo, et quelle que soit l'opinion que chacun de nous peut avoir sur la "légitimité" ou pas d'intervenir militairement contre un Etat souverain, fut-il "totalitarisé" par un dictateur (avancée du Droit international ? Recul de l'humain ?), nous sommes, une fois de plus, et sans occulter les pertes humaines, bien obligés de faire le rapprochement, le parallèle, entre cet argent qui ferait toujours défaut pour une campagne de vaccination, pour le creusement d'un puits, pour le salaire d'une infirmière ou d'un instituteur, pour l'adduction d'eau dans un village, que sais-je encore, et cet argent qu'on trouve toujours quand il s'agit de mener une guerre.

L'Union Européenne avance aujourd'hui le chiffre de deux milliards d'euros pour la seule reconstruction au Kosovo. D'après l'Agence France-Presse, un groupe d'économistes serbes (le G-17) avance celui de 29,6 milliards de dollars pour la réparation des dommages causés en Serbie.

Les chiffres des faits de guerre directs sont affolants : près de 46 millions d'euros par mois pour la présence sur le terrain du seul contingent français, le F-117 furtif abattu coûtait 44 millions d'euros , la dette extérieure de la Macédoine devra être allégée de 1,2 milliard de dollars , plus de 1.100 avions ont effectué près de 35.000 sorties (à combien déjà la sortie ?) plus l'aide humanitaire, plus le coût des camps, plus ce que coûtera la nécessairement longue présence des 50.000 hommes de la KFOR, plus, plus....

J'arrête ! Au Fonds Mondial, on compte en quelques milliers d'euros la somme nécessaire pour chacun des projets que nous soutenons. Alors, vous comprenez, toutes ces sommes englouties dans la guerre...

Aujourd'hui, il paraît que "le plus dur reste à faire". Oui, le plus dur est encore à faire, pour nous, les simples citoyens, mais en même temps c'est le plus simple : continuer de nous unir, de renforcer nos actions de solidarité, de nous dresser encore et toujours contre les inégalités et les injustices, de combattre encore et toujours pour que la guerre et les armements ne volent plus ceux qui ont faim.

Claude TELLIER

 

 

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page réalisée par Daniel Durand