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Séminaire d'Etudes Mondialistes
à BOHICON (Bénin)

les 6, 7 et 8 octobre 2006

COMMUNICATION 3

CONTRIBUTIONS AFRICAINES A LA DEMOCRATIE

Présentée par M. AZILINON Kokou Mike (Docteur en Sciences Politiques)

Quand la proposition m'a été faite de présenter cette communication, j'ai été très enthousiaste parce que c'est une formidable occasion de parler de l'Afrique, et, surtout d'échanger au sujet de la démocratie, en tant qu'idéologie, mais aussi en tant que principe, mode de gouvernement et mode de vie. Qu'elle soit adulée par les uns ou méprisée par les autres.

Pour en venir au thème de ma communication, permettez-moi de souligner qu'il est plus que d'actualité. Il est certainement, au moment même où nous en discutons, débattu sous diverses formes et pour diverses raisons dans d'autres forums, conférences, réunions…..

Vous conviendrez avec moi qu'à travers ce thème " Les contributions africaines à la démocratie ", le débat se centre sur la démocratie, en tant que principe et forme d'organisation politique et sur le rôle de l'Afrique dans le renforcement et l'universalisation de la démocratie moderne.

L'intérêt porté à la démocratie à travers cette communication résulte du fait qu'elle est aujourd'hui plus que jamais aux yeux des hommes, qu'ils soient intellectuels ou non, une raison de vie, et pour d'autres, idéalistes ou leaders sociopolitiques, plus que la vie.

En effet, pour elle, en son nom et pour son rayonnement, en tant que valeur, idéologie, système politique, des hommes meurent et choisissent de mourir. S'il est vrai que la lutte pour la démocratie est millénaire, permettez-moi de préciser que l'Afrique est l'un des continents sur lequel cette lutte est permanente. Il va alors de soi que ce n'est que justice rendue, si l'on se préoccupe de plus en plus de ses contributions à cette idéologie qu'est la démocratie.

Cependant, parler des contributions de l'Afrique à la démocratie n'est pas chose aisée, car en tant que phénomène sociétal la démocratie est multiple et variable.

Aussi, avant d'inventorier ce que l'Afrique lui a apporté, son étude définitionnelle s'impose afin de savoir sur quoi porte le débat, voire de quelle démocratie nous parlons.

Qu'est ce que la démocratie ?

La démocratie, étant un concept, est une idée avant d'être un fait.

Expression des idées des hommes qui la conçoivent, ils tentent de l'appréhender et de la matérialiser. Elle correspond à plusieurs caractérisations et connotations, en raison de son existence millénaire.

Elle est de l'avis unanime des politologues, sociologiques et historiens, l'expression des réalités socioculturelles et historiques des hommes.

 En réalité, il y a très peu de points communs entre la démocratie grecque, celle pensée par Platon et Périclès et ce que nous convenons de nommer actuellement démocratie. Par conséquent, de grâce, évitons la promotion de la démocratie de l'arbre à palabre telle que le souhaiteraient certains extrémistes africanophones, qui après avoir prédit l'échec des démocraties en matérialisation actuellement en Afrique, préféreraient que nous retournions à l'époque idéelle et idéalisée de la démocratie de l'arbre à palabre.

 Avant d'aborder son étude définitionnelle proprement dite, il est important de préciser qu'avant 1989, il n'y a jamais eu dans l'histoire, d'époque où la démocratie ait connu un plus grand accueil en tant que modèle de gouvernement.

Tout le monde en parle, en ne sachant pas concrètement de quoi il s'agit. Si pour certain c'est tout sauf le mépris des droits de l'homme, pour d'autres ceux sont les élections, la décentralisation, l'émergence de la société civile, la gestion concertée, la bonne gouvernance….etc.

Face à cette difficile appréhension de la démocratie, nous allons procéder à son étude définitionnelle, en tant qu'idéologie, mode de gouvernement et mode de vie afin de nous entendre sur ce dont nous allons débattre.

 En tant qu'idéologie, la démocratie d'après la célèbre définition d'Abraham Lincoln, " c'est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ". Ce qui revient à affirmer avec toute la nuance requise qu'un pays est démocratique lorsque le peuple dispose de la souveraineté, que les gouvernés sont leurs propres gouvernants et que le pouvoir est attribué à l'universalité des citoyens.

 C'est par perversion de ces principes idéologiques démocratiques que se sont mis en place la plupart des régimes politiques, les plus abjects comme le fascisme et le nazisme, en passant par les dictatures africaines des lendemains des indépendances, au plus sournois comme le communisme. Des régimes, qui sous prétexte de la construction des nations, ou des Etats-nations tentaient de concrétiser la prééminence des gouvernants sur les gouvernés. Heureusement que la démocratie libérale, la moins mauvaise des matérialisations démocratiques du XXe siècle a fini par triompher.

 En réalité, dans un régime démocratique, contrairement aux autres, dont l'histoire des hommes a toujours fini par avoir raison. La conception du gouvernement du peuple, est non seulement entendue comme le gouvernement issu du peuple, respect du principe à l'autodétermination des peuples oblige, mais aussi comme un gouvernement dont la finalité est la promotion du libre développement du peuple et la consécration de la liberté de chacun des individus qui le composent.

Concrètement, c'est une idéologie sous-tendue par les valeurs de promotion de l'individu de consécration de la prééminence de l'Homme tel que le suppose le contrat social de Rousseau. Contrat social, élément fondamental de la définition de la nation moderne. Nation, qui en dehors de toute considération historico-idéologique est une association d'hommes en vu d'un mieux-être.

C'est ainsi qu'en tant que principe idéologique politique, la démocratie c'est l'anti-abus et anti monopolisation du pouvoir. Mieux c'est la séparation des trois pouvoirs fondamentaux, de l'Etat, qui comme le disait déjà Montesquieu au XVIIIe siècle est le seul mécanisme susceptible d'empêcher les dérives inhumaines des pouvoirs politiques et anti développementalistes des sociétés sans liberté. Aussi, un système politique démocratique devrait-il se caractériser, en référence aux recommandations de Montesquieu par la séparation des trois pouvoirs qui le fondent. Plus précisément, par l'indépendance de l'exécutif, du législatif et du judiciaire.

 Cependant, en tant que principe politique, expression des réalités de son époque, permettez moi de préciser que la démocratie moderne se fonde sur la séparation des cinq pouvoirs fondamentaux de l'Etat moderne que sont l'exécutif, le législatif, le judiciaire, les médias et la société civile. Et qui sont imbriqués dans un mécanisme de contrôle mutuel et de collaboration paisible et règlementée. C'est également un système politique bipolaire caractérisé par un débat fructueux et concurrentiel entre la mouvance et l'opposition, symbole du débat démocratique, garant de l'alternance démocratique et incarnation de la libre participation à la gestion de la chose publique.

 S'il est vrai que définir la démocratie comme idéologie permet de dire ce qu'elle devrait être et ce qu'elle n'est pas ; il n'en demeure pas moins vrai que cette définition rend difficilement compte de la réalité démocratique et soumet la matérialisation des systèmes démocratiques à des dérives inhumaines et antidémocratiques.

Comme ce fut le cas des Etats africains des lendemains des indépendances, où le mépris et l'avilissement de l'individu et des peuples étaient la règle d'or. Heureusement, que la supercherie fut de très courte durée, et que le peuple véritable détenteur du pouvoir a pris sa destinée en main en réclamant à corps et à cri la mise en place d'une véritable démocratie qui plus qu'une idée, est un mode de gouvernement et un mode de vie.

La démocratie en tant que mode de gouvernement

En tant que mode de gouvernement, la démocratie actuelle serait donc ce système qui se fonde sur la séparation et la collaboration de ces cinq pouvoirs ci-dessus cités et qui se caractérise par la permanence et la réalité d'un dialogue libre et règlementé entre gouvernants, entre gouvernés, entre gouvernés et gouvernants, entre mouvance et opposition,….etc. dans un environnement concurrentiel positif.

A ce titre, en tant que structure gouvernementale, la démocratie " répond à trois conditions indispensables : Une concurrence significative et intensive entre les individus et les groupes organisés pour tous postes effectifs de pouvoirs, à intervalle régulier et excluant l'utilisation de la force ; un haut niveau d'inclusion de la participation politique dans la sélection des dirigeants et de la définition de la politique, du moins au moyen d'élections libres et transparentes, afin qu'aucun groupe social d'âge majeur n'en soit exclu ; et un niveau des libertés civiles et politiques le tout suffisamment pour s'assurer de l'intégrité de la concurrence et de la participation politique ".

En tant qu'institution sociopolitique, c'est un système qui privilégie le dialogue et la participation de tous. Il se caractérise par le partage géographique du pouvoir, par le rapprochement des gouvernants des gouvernés et par la restitution progressive du pouvoir politique au peuple. Cela, par les mécanismes de la décentralisation et de l'aménagement de l'expression directe ou indirecte du peuple (vote, pétition, libertés d'association …etc.)

La démocratie en tant que mode de vie

En tant que mode de vie est un ensemble de valeurs dont doit s'approprier toute société aux ambitions démocratiques. Valeurs promues par les différentes composantes sociales à travers un travail d'éducation civique et politique permanent. Ce travail éducationnel est d'autant plus indispensable, car, à la différence des autres régimes et systèmes politiques, la démocratie doit continuellement être approuvée par les citoyens.

L'ordre démocratique vit du consensus et de son acceptation en tant que valeur et institution. Il se fonde sur une participation soutenue des acteurs socio-politiques à la construction et au renforcement de l'Etat de droit. Cela, en adaptant de manière consensuelle la constitution aux évolutions de l'Etat et à ses nouvelles perspectives. Il est important de préciser que le consensus démocratique se fonde sur la loi de la majorité et la légitimation par la minorité des désiratas de la majorité

Toujours en tant que mode de vie, c'est un système fondé par et sur la liberté individuelle, la protection des droits des individus, et la détermination des obligations de chacune de ses composantes, sous-tendue par la prévalence du droit, gage de la liberté individuelle, raison d'être de la communauté nationale démocratique.

Il est important de préciser que le droit, pierre angulaire de la démocratie, ne peut perdurer sans légitimité, et l'ordre juridique, qu'il induit, expression du respect des droits de l'Homme, sans éthique. Mieux, en tant que mode de vie, la démocratie c'est un système socio-politique régie par une harmonie entre les libertés individuelles et la solidarité, fondement et finalité des nations modernes, essence et garant de la promotion de l'individu, et de la consécration de l'homme.

Nous ne saurons terminer cette étude définitionnelle sans tenter d'appréhender les caractéristiques types du démocrate, car il ne saurait exister de démocratie sans démocrate. Sans trop s'étendre sur le sujet, le démocrate c'est celui qui ne vit pas dans la crainte de la loi mais avec la loi et la culture de la loi. C'est celui qui possède les valeurs de devoir et de solidarité. Mieux, c'est celui qui ne demande pas ce que la démocratie peut lui apporter mais ce qu'il peut apporter à la démocratie pour bénéficier de ses fruits ou de ses effets collatéraux.

Pour finir, cette étude définitionnelle, il est important de préciser que la démocratie en tant que modèle d'Etat et de vie, ne se nourrit pas d'idéalité et d'idéologie. Elle est tributaire d'un système économique fort et compétitif. Celui qui a dit que la démocratie n'est pas pour les pauvres s'est certainement mal exprimé. Car, si elle est à la portée de toute société, elle ne saurait se renforcer et se pérenniser, ou encore se matérialiser comme il se doit dans les sociétés où les hommes refusent de consentir des efforts pour un développement économique durable.

Ces quinze années d'expériences démocratiques nous ont appris à nos dépend que la démocratie coûte cher. Le bon fonctionnement d'un Etat de droit à la fois efficace et juste constituant un facteur non négligeable de l'acceptation politique, est tributaire d'un système économique solide assurant développement social et équité dans la répartition et la redistribution de la richesse et du revenu national. C'est certainement ce que le peuple béninois a compris et qu'il a exprimé à sa manière lors des dernières élections présidentielles, en optant pour le changement, plus précisément pour un développement socioéconomique durable.

Voici en quelques mots, phrases et lignes, et certainement de manière non exhaustive, ce qui peut être taxer de démocratie. Ou encore certaines caractéristiques fondamentales de la démocratie. Certaines, car la démocratie, phénomène sociétal est un processus continu et évolutif appréciable et appréhendable dans le temps et dans l'espace. En tant qu'idée, elle est empreinte d'un dynamisme évolutif qui empêche sa simplicité ou unicité définitionnelle et qui favorise son adaptation à toute société pour peu que cette dernière la désire. Toutefois quelque soit les insuffisances de cette étude définitionnelle, nous pensons qu'elle nous permet de savoir ce à quoi l'Afrique a contribué.

Les apports de l'Afrique à La démocratie

En tant que phénomène sociétal la démocratie, comme nous venons de le voir, est portée par des valeurs. Valeurs que certains « occidentalos-centristes », adeptes de l'unicité culturelle dénient aux peuples non occidentaux. Pour ces derniers, l'occident étant le berceau de la démocratie, aucun peuple ne saurait se prétendre démocratique s'il n'intègre certaines valeurs socioculturelles propres aux sociétés et aux Etats occidentaux.

Cette présomption de l'occident de se penser le berceau et le bastion de la démocratie moderne s'explique par l'existence d'une littérature sociopolitique écrite qui en donne la preuve.

Elle s'explique également par le fait que la Grande Bretagne soit reconnue comme la génératrice du parlementarisme, les Etats-Unis en tant que père du fédéralisme et la France comme la grand-mère des Droits Universels de l'Homme.

Toutefois, cette vérité historique ne justifie pas le déni des apports des autres peuples à l'émergence et la matérialisation de la démocratie. Aussi, pour mieux saisir le sens de cette communication, il est important de préciser de quelle démocratie nous parlons

Une chose est certaine, il ne s'agit de la démocratie d'Aristote, fut-elle l'ancêtre de la démocratie moderne, ni de celle des révolutionnaires français, ni encore de celle des premières républiques occidentales du XIX siècle. Nous parlons de la démocratie dite moderne, celle dont les luttes pour son émergence ont commencé au XIX siècle dont le processus de maturation est amorcé aux lendemains de la deuxième guerre mondiale, portée par les idéologies de liberté, et de l'autodétermination des peuples, et qui est reconnue comme le meilleur système sociopolitique depuis 1990, même par ses pourfendeurs.

Et cette démocratie est au témoignage de l'histoire l'œuvre de toutes les sociétés.

L'avènement de la démocratie moderne

L'avènement de la démocratie moderne, comme toute grande révolution sociopolitique et idéologique s'est fait à la suite des luttes les plus sanglantes qu'a connu l'humanité et dura plus d'un siècle.

Débutée pendant la Révolution Industrielle, période de matérialisation des Etats nations en Europe, et de la colonisation effective en Afrique, cette lutte, variable, en fonction des sociétés avait pour finalité la reconnaissance et le respect de l'autre, en tant qu'homme, citoyen, et entité socioculturelle politique. Bref, elle avait pour fondement la remise en cause de la démocratie républicaine occidentale du XIXe.

En réalité, à l'instar de la démocratie d'Aristote, cette démocratie du XIX siècle, rejet des gouvernements d'héritiers, porte flambeau de la philosophie des lumières et celle de la république des Hommes, qui succéda à la république de Dieu et des rois, rejetait dans l'obscurité, des citoyens, décrétés irresponsables et passifs ; priva de droit de vote, voire de vie tous ce qui n'était pas Homme, ou ceux qui lui semblaient incapables de se gouverner eux-mêmes parce que, esclaves des besoins et des phantasmes de l'occident.

Méprisante, raciste, colonialiste et esclavagiste, la démocratie occidentalo-centriste du XIXe, prétendue promotrice des droits de l'homme, décriée par des anticolonialistes et esclavagistes comme Victor Schoelcher connut ses heures sombres avec le nationalisme occidental, le fascisme de Mussolini en Italie et le Nazisme d'Hitler en Allemagne. Ainsi amplifiant tous les dérives de la démocratie du XIXe siècle, mercantilisme et xénophobie, les nazis et les fascistes tentèrent de les imposer à l'occident à travers les deux guerres mondiales.

Des guerres aussi atroces et choquantes que le commerce des hommes, qui heureusement connurent la victoire du camp des démocrates de l'époque.

Des démocrates, qui pour éviter au monde les atrocités, commises pendant ces guerres et conforter la victoire de la démocratie sur les dictatures, énoncent de nouvelles valeurs, décrétée universelles, fondées sur, la reconnaissance de l'autre et l'universalité des Droits de l'Homme, aux lendemains de la deuxième guerre mondiale.

 Les contributions africaines à l'émergence de la démocratie moderne

Avant d'inventorier les apports africains à la démocratie, il faudrait que nous nous entendions sur le sens du mot contribution. D'après le dictionnaire Larousse, la contribution du verbe contribuer c'est ce que chacun apporte à une œuvre commune. Contribuer " c'est participer à certain résultat par son action par sa présence ". Aussi, contribuer à une idéologie, ne revient-il pas à concourir à son émergence, l'adopter, le matérialiser, l'améliorer…etc.

Au vu de cet éclaircissement définitionnel, parler des contributions africaines à la démocratie, revient à parler de l'appropriation de la démocratie par les Africains comme moyen de lutte contre la colonisation et des participations africaines au rayonnement international de l'idéologie démocratique. Cela revient également à parler de la domestication de la démocratie par les Africains en tant que mode de gouvernement et des contributions africaines au raffermissement du pluriculturalisme et de l'universalité intrinsèque à la démocratie.

 La domestication africaine de la démocratie

L'adoption de la démocratie comme moyen de lutte contre la colonisation, expression de ce qu'il est convenu de nommer le nationalisme moderne africain du début du XXe siècle est incarné par la résistance africaine à la colonisation. Résistance, qui reconnaissant ses infériorités militaires et technologiques décida d'adopter les méthodes de revendications et de luttes socio-économiques et politiques démocratiques occidentales pour dénoncer les dérives coloniales et pour se faire reconnaître en tant qu'homme, et tant qu'entité sociopolitique capable de s'auto-administrer. Si de cette appropriation des méthodes de luttes naquirent les ambitions de domestication africaine de la démocratie, d'elle, découle également les contributions africaines à l'internationalisation de valeurs de l'idéologie démocratiques.

La lutte pour la reconnaissance et le respect des Africains

Réoccupant les villes et villages après l'échec de la politique de la chaise vide, qui consistait à les abandonner pour la montagne, la forêt et autres zones difficilement accessibles, les Africains décidèrent de lutter pacifiquement pour, l'affirmation de l'identité noire, et pour l'égalité des droits civils, civiques puis politiques entre colons et colonisés. Cela, sous couvert d'associations socioéconomique et politique, de la presse, au moyen de grèves, de boycotts, de marches, de meetings, de campagnes électorales...etc. Et sur le plan international par la sensibilisation des occidentaux aux aberrations et dérives coloniales et pour revendiquer la jouissance de la souveraineté internationale. Ce, par l'intermédiaire des ligues et associations internationales et des interventions fréquentes aux tribunes de la SDN, et des Nations unies.

En effet, contrairement aux occidentaux qui utilisaient les méthodes démocratiques pour la résolution de conflits nationaux, les Africains, comme d'autres colonisés, s'appropriant de ces méthodes, les utilisaient dans le cadre de conflits internationaux souverainistes. Ainsi, les Africains internationalisent les méthodes démocratiques de lutte, et les consacrent, à l'instar des déclarations des alliés de la fin de la première guerre mondiale comme des moyens les " plus civilisés " de règlement des conflits internationaux. Mieux, cette appropriation et utilisation africaines de ces méthodes furent un apport capital pour cette idéologie. Car, de mémoire d'hommes, avant cette époque, très peu de conflits internationaux se sont résolus sans barbarie ou sans extermination des peuples autochtones.

 Il est important de préciser, que l'appropriation africaine des méthodes démocratiques de règlement des conflits, débuta, timidement pendant la période dite d'accalmie de conflits coloniaux ; s'amplifia entre les deux guerres et se généralisa aux lendemains de la fin de la deuxième guerre mondiale. Et que les leaders anticolonialistes dahoméens étaient à l'avant-garde de cette appropriation.

 En effet, le dahoméen Louis Hunkarin anticolonialiste reconnu, opta bien avant la première guerre mondiale pour les méthodes de luttes démocratiques contre la colonisation. Instituteur, fils d'un ancien forgeron du roi Toffa de Porto-Novo, il fonda en pleine première guerre mondiale une section de la Ligue des Droits de l'homme au Dahomey. On ne saurait oublier Kodjo Hoénou, qui était avec le Sénégalais lamine Senghor, et le soudanais, Timéjo Kouyaté les principaux chefs de file politique du nationalisme africain.

De son vrai non Tavelor Quenum, promoteur de la culture africaine, il créa le journal anticolonialiste Le Continent en 1920 et créa en 1924 La ligue Universelle de la Défense de Race Noire.

Il dénonça la politique assimilationniste coloniale en 1930 et serait le père spirituel de la Négritude, inspirateur des Léopold Senghor et d'Aimé Césaire. Il faut également rappeler qu'un autre Dahoméen du nom de Dorothée Lima, fondateur du journal anticolonialiste le « Guide du Dahomey », le journal le plus lu de la sous région à son époque, était un acharné défenseur de la culture africaine et un dénonciateur avéré des dérives coloniales.

 On ne saurait s'arrêter sans rendre hommage à une personnalité comme le Sénégalais Lamine Senghor qui avait marqué l'histoire des revendications identitaires africaines. Claquant la porte du parti communiste français, il créa à Paris L'institut des Nègres. Il fut le premier à créer une Association d'étudiants noirs en France en 1930, puis la Fédération Française de la Jeunesse de l'Afrique Noire et adresse un plan de décolonisation au Gouverneur de l'AOF. En 1931, en réponse à l'exposition coloniale, il organisa l'exposition anticoloniale, qui connut un succès relatif mais eut une portée mémorable, en matière de contestation coloniale.

 Dans tous les cas c'est grâce, à ces méthodes démocratiques de règlement des conflits adoptées bien avant la première guerre mondiale que les Africains, jadis sauvages, esclaves, sous hommes, conquièrent leur droit à l'autodétermination, quelques années après la fin de la deuxième guerre mondiale.

Conquête, qui contribue à l'universalisation du droit des peuples l'autodétermination.

 L'Afrique et l'universalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

Dans la pure tradition de la démocratie du XIXe siècle le droit à l'autodétermination des peuples, reconnu comme principe universel de droit international par la SDN, après la première guerre mondiale, vit son application limitée aux Etats occidentaux, injustement colonisés par l'Allemagne. Et ce, avec l'assentiment du président américain Wilson anti-colonialiste reconnu, dont les revirements n'empêchèrent pas les Africains de considérer que le principe du droit à l'autodétermination des peuples, consacré par cette célèbre phrase prononcée lors de son discours du 27 mai 1917 s'appliquait également à eux : " Aucun peuple ne peut être contraint de vivre sous une souveraineté qu'il répudie ".

Fort de ce principe, les Africains ont créé des associations et des partis politiques qui, de revendications de droits civils, économiques de la participation à la gestion des colonies, réclamèrent la gestion autonome des territoires coloniaux et exigèrent, à la fin de la deuxième guerre mondiale, la jouissance du droit à l'autodétermination.

Ce qui devint à la suite de quelques tergiversations une réalité, après la signature de traités et d'accords d'indépendances entre les colons et colonisés. Des traités et des accords, qui furent consacrés par la Déclaration, du 4 Décembre 1960 de l'Assemblée Générale de l'ONU. Déclaration, qui fonde la souveraineté internationale des Etats africains et le principe international de l'intangibilité des frontières, condition sine qua none au raffermissement de la démocratie.

L'accession des Africains à l'indépendance, symbole de l'universalité du droit des peuples à l'autodétermination, était avant tout une confirmation des nouvelles valeurs, de paix, de liberté et de consécration de l'homme, décrétées valeurs universelles à la fin de la deuxième guerre mondiale. Toutefois, les contributions africaines à l'universalisation de ces nouvelles valeurs démocratiques, fuent précédées, par l'engament de l'Afrique aux côtés des alliés pour lutter contre les dictatures occidentales et asiatiques.

Du rejet des dictatures aux contributions africaines au rayonnement de la démocratie

S'il est vrai que la participation africaine à la première guerre mondiale, fut exigée par le colon, par contre la participation à la deuxième fut majoritairement volontaire et idéologique. Elle se trouvait dans la droite ligne des luttes pour la reconnaissance de l'autre et pour l'universalisation du droit des peuples à l'autodétermination, car le monde sous domination nazi c'est le droit à l'autodétermination des Africains qui est compromis.

Ainsi mettant de côté les différents l'opposant aux colons, l'Afrique mobilise bataillons et matières premières indispensables à la Guerre et abrita la République Française occupée. Ces engagements matériels, humains et idéologiques africains incarnent les contributions africaines de l'époque pour le rayonnement de la démocratie en tant qu'idéologie et valeurs universelles. Universalité qui devient une réalité à la fin de la deuxième guerre mondiale avec la victoire des alliés.

 C'est, cette dimension universelle acquise par la démocratie depuis la fin de la deuxième guerre mondiale qui explique l'affirmation démocratique des Etats africains postcoloniaux, en réalité contraints par les aspirations démocratiques des Africains et leur dépendance vis-à-vis de l'occident.

Alors qu'en réalité, il ne s'agissait que d'une invocation constitutionnelle, car, la relecture de l'histoire des Etats africains postcoloniaux, nous apprend que ces Etats étaient antidémocratiques. Car, déterminé à monopoliser et à pérenniser leur pouvoir, les représentants de ces Etats déclaraient la démocratie incompatible avec les réalités africaines et leur mission de construction nationale, incarnées par les idéologies du néocolonialisme, de l'authenticité, et du socialisme des années 70. Ce, contrairement, aux populations africaines qui souhaitaient l'instauration de véritables démocraties.

Le rejet des dictatures africaines

En réalité, l'Etat africain des lendemains des indépendances était à l'image de la République occidentale du XIXe siècle une hérésie démocratique.

C'était un totalitarisme aux contours fluides, empruntant au communisme son centralisme, à l'Afrique une monocratie, prétendue héritage de ses royautés précoloniales ; et phagocytant toute idéologie susceptible de renforcer sa légitimité. Cet Etat béni et encouragé par les occidentaux, en quête d'adeptes, guerre froide oblige, et qui décrétait l'immaturité, voire la non existence du peuple africain, contrairement à leurs dispositions constitutionnelles, furent emportés avec le mur de Berlin et par les aspirations démocratiques des Africains au début des années 90.

Ce rêve africain devenu réalité à la fin du XXe siècle traduit la capacité des Africains à domestiquer la démocratie en tant que mode de gouvernement, et symbolise l'une des plus importantes contributions africaines du siècle à l'universalité mais aussi au rayonnement, devenu naturel, de la démocratie, depuis la chute du mur de Berlin.

L'Afrique et la consécration du pluriculturalisme intrinsèque à la démocratie

Sans revenir sur l'avènement de la démocratie en Afrique, on peut synthétiser, en affirmant que convaincus que la solution pour leur mieux être se trouve dans un Etat démocratique, les Africains sur fond d'un nouveau nationalisme déterminé par l'ethnicité, l'individualisme, la citoyenneté, l'universalisme et un pseudo-libéralisme, optent pour la concurrence politique et le dialogue permanent, comme mode de gouvernement à la fin des années 80. Mieux, ils optent pour une démocratie adaptée aux réalités socioculturelles africaines comme l'illustrent à juste titre les matérialisations démocratiques africaines depuis de début des années 90.

 En effet, les matérialisations des démocraties africaines se traduisent par la participation accrue des autorités traditionnelles ; par la prise en compte de la religiosité africaine ; par l'utilisation du communautarisme africain comme instrument de dialogue démocratique ; et par une extrême politisation de la société civile africaine. Ces spécificités caractéristiques des démocraties africaines en matérialisation confirment le pluriculturalisme intrinsèque à la démocratie, idéologie et phénomène sociétal.

 Les autorités traditionnelles pilier de la démocratie africaine

Contrairement à l'occident, l'avènement et le raffermissent de la démocratie en Afrique se réalise avec le concours appréciable et apprécié des autorités traditionnelles africaines. Des autorités, naguère méprisées et manipulées par les colons et les dictateurs africains pour des raisons de légitimation du pouvoir ; et décrétées par les uns et les autres comme handicape au développement et à l'émergence de la démocratie.

Toutefois, comme nous le démontre l'histoire de la démocratie en Afrique, ces autorités, épousant les valeurs démocratiques ont démontré que les traditions africaines et l'autorité qu'ils incarnent ne sont ni antidéveloppementalistes ni antidémocratiques.

 De plus, en dépit de certaines théories sociopolitiques, qui prétendent que la démocratie rime avec le mimétisme du monisme culturel, étatique et juridique occidentaux, les autorités traditionnelles africaines, autorités morales, non étatique, gardiennes des traditions africaines concourent à l'enracinement de la démocratie dans les contrées éloignées des capitales africaines. Ces autorités, parties prenantes des conférences nationales, participent dorénavant aux sensibilisations et éducations à la démocratie.

Médiateurs incontournables dans les dialogues politique, économique et social, elles représentent aujourd'hui un des maillons essentiels du maintien de la paix sociale et d'enracinement de l'Etat de droit. Pour preuve, leur implication dans la vulgarisation du code de la famille, dans la lutte contre l'incision des femmes, dans les règlements des conflits politiques ….etc.

 Finalement, si l'avènement de la démocratie en occident coïncide avec la décapitation de la noblesse et de la tradition, la philosophie des lumières et à la révolution industrielle obligent, la démocratie survient en Afrique, avec une participation appréciable et appréciée des autorités traditionnelles africaines.

Religiosité africaine et renforcement de la démocratie africaine

A l'inverse de l'Occident, où l'avènement de la démocratie se serait traduit par la réclusion des religieux à un rôle socio-caritatif, en Afrique elle se réalise avec un rôle politique accru des religieux qui va de la participation aux conférences nationales aux médiations dans les conflits socioéconomiques, politiques et militaires.

En la matière, On ne saurait oublier le poids de Monseigneur Isidore de SOUZA dans le succès de la démocratie béninoise, ou les implications de Desmond TUTU dans la résiliation de la réconciliation nationale en Afrique du Sud, ou encore les contributions des imans sénégalais dans la réalisation de la première vraie alternance démocratique au Sénégal.

De plus, les religieux sont devenus des canaux de renforcement de l'Etat de droit et des personnalités incontournables dans la culture de la paix sociale. Pour cause, le nouveau code béninois de la famille serait inspiré par la religion chrétienne, et sa vulgarisation est assurée aussi bien par des laïcs que des prêtres vaudou et des imams. Mieux, face aux échecs répétés des Etats africains, les Africains se sont tournés vers Dieu pour solutionner leurs problèmes de subsistances. Ce qui expliquent le foisonnement des religions nouvelles, de véritables nouveaux réseaux de solidarité de frères en Christ et en Allah, et des foires pour hommes politiques et autres assoiffés de pouvoir. Ce qui n'atténue en rien leur capacité de promotion de l'Etat de droit et de la démocratie, à l'image du communautarisme africain.

Communautarisme ethnicité et renforcement démocratique

La démocratie africaine se matérialise dans des Etats sans nation moderne, mais avec des ethnies et des individus communautarisés, raison d'être, entre autres de l'existence des partis politiques ethnicisés et du partage régionaliste des pouvoirs. Qui, malheureusement pour les puristes, ne sont que l'expression des réalités socioculturelles africaines. Toutefois, différents du communautarisme africain des décennies 60 et 70, imprégné des valeurs démocratiques, le communautarisme africain du début du XXIe siècle fondé sur la promotion des droits de l'Homme et de l'Etat de droit a pour finalité le renforcement de la démocratie à la base.

Le succès de ce nouveau communautarisme, illustration de la gestion participative et concertée, s'explique surtout par son adoption par l'occident.

En effet, en raison de la complexification du débat social, de l'inefficacité des catégorisations socioprofessionnelles, résidentielles, administratives et originaires, le communautarisme est devenu dans les Etats occidentaux un des instruments de dialogue démocratique, certes adaptés à leurs réalités.

Pour cause, la France, par exemple, a initié des dispositifs de débat citoyen, de prévention et de règlement des conflits, fondés sur le communautarisme et incarnés par les grand frères et des associations de mamans.

Le mimétisme du communautarisme africain par l'occident, symbolise le pluriculturalisme caractéristique de la démocratie, et illustre des limites du monisme juridique, du mono-culturalisme et du centralisme étatique, héritage de la République napoléonienne, prétendue fondement de l'Etat idéal-type. Mieux, elle suppose la reconnaissance du pluralisme socioculturel caractéristique de toute nation moderne et incarné par la démocratie.

La société civile politique

Popularisée ces dernières années, la société civile, jadis instrument à la solde du parti unique et opposant de premières heures aux dictatures africaines, est devenue une véritable institution de contrôle des gouvernants, d'animation politique, et d'éducation civique et politique. Rôle qu'elle jouait déjà pendant les périodes de dictatures ou tout mouvement et parti politique étaient interdit. Et héritage certain du consensus caractéristique de sociétés africaines traditionnelles. Société où la ligne de démarcation entre le politique et le civil est floue.

Institution non régionalisée, incarnée par quelques personnalités, la société civile africaine se comporte en véritable opposant de la classe politique. En la matière, on peut citer les contributions de la société civiles béninoises pour la tenue en bonne date des élections présidentielles de mars 2006, le mouvement contre la vie chère au Niger, et la mobilisation de la société civile béninoise contre la modification de l'article 80 de la Constitution Béninoise.

S'il est difficile d'affirmer que cette société civile en politisation est une spécificité africaine, il n'en demeure pas moins vrai que l'Afrique est à l'image d'autres régions sous-développées un excellent terrain de maturation de la politisation de cette société civile.

Mieux ! l'Etat africain moderne est cet espace où la société civile nationale ou internationale à une forte influence sur la vie politique. Ce qui ne s'explique pas seulement par la pauvreté extrême de ces Etats mais aussi par la volonté des dirigeants et des peuples africains de faire de la démocratie une réalité. Et une réalité à leur manière.

A vrai dire, cet activisme caractéristique de la société civile africaine, prélude de nouvelles implications de la nation dans la concrétisation et le raffermissement, de la démocratie en tant que mode de vie. Bref, elle augure du retour progressif du pouvoir à son essence : le peuple, la nation, l'individu et l'Homme. Ce que d'ailleurs craignent certaines élites, qui pensent à l'instar du célèbre philosophe grec, Aristote, que la démocratie est l'affaire de l'élite, non des profanes et des pauvres. Et pourtant, comme le dit si bien l'ancien premier ministre anglais Churchill, " c'est la plus mauvaise forme de gouvernement, excepté toutes les autres formes qui ont été essayées de temps à autre ".

Pour ce faire, voyons en elle, et faisons d'elle le salut de l'humanité et l'espoir de la consécration matérielle et spirituelle de l'Homme.

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