Le jeudi 24 mai 1984, une simple rumeur a
déclenché une sorte de panique à
New-York et à Londres. Ce fait permet à
François Renard de constater dans " Le Monde " du
27 mai que " toute rumeur partie d'un point de la
planète en fait aujourd'hui le tour à la
vitesse de l'éclair et que les déposants
alertés se précipitent pour mettre à
l'abri leurs fonds, qu'ils soient américains,
européens, asiatiques ou moyen-orientaux ".
Rumeur, tempête financière, menace
d'écroulement du système bancaire, panique,
affolement, crise de confiance créent une
conjoncture insaisissable échappant à tout
contrôle : voilà comment fonctionne "
rationnellement " le système monétaire
international. Et ceux qui essaient de suggérer de
solutions sont considérés comme des
utopistes par tous les experts " réalistes "
cependant incapables de maîtriser cette boîte
de Pandore. C'est une des raisons qui conduit
l'humanité de crises en guerres, de chômage
en misère.
" Jeudi noir " de 1929 ou " jeudi morose
" de 1984, chacun confirme l'incapacité
complète du Système monétaire
international à répartir les immenses
richesses produites par les usines modernes.
Et pourtant, avant 1973, date du début de la
crise actuelle, le 26 juillet 72 exactement, le Conseil
des Gouverneurs du Fonds Monétaire International
(FMI) constatait :
" Il est indispensable de procéder d'urgence
à une réforme du Système
Monétaire International ". Un Comité des 20
a établi un projet qui n'a jamais vu le jour et le
tout a été renvoyé à un
comité Intérimaire qui ne fait pas mieux
puisque dans le bulletin du FMI du 27 octobre 83 on
apprend qu'il est urgent de procéder à la
réforme du système monétaire
international et que, dans le bulletin du 30 avril 84, on
n'en parle déjà plus. Voilà donc 12
ans que cette réforme urgente fait du " sur-lace
". Or en 12 ans on aurait eu le temps de faire
fonctionner, à plein temps, pendant 2 ou 3 ans,
une Commission Internationale d'Experts travaillant sur
les bases décrites par Tinbergen, Duboin, Pierre
Mendès-France ou Charles Warin. Et une dizaine
d'années auraient permis de la mettre en
application. ...
Pourquoi ces années perdues ? Robert Granet,
Directeur à la Direction Générale
des Services Etrangers de la Banque de France, esquisse
une réponse dans le rapport du 16 février
1984, que la nature humaine et les relations entre les
nations seront ce qu'elles sont, compte-tenu des
sacrifices et des atteintes aux souverainetés
nationale qu'une véritable réforme du
système monétaire international
postulerait, il faut bien se persuader qu'on ne
reconstruira un nouvel ordre dans ce domaine que
contraints et forcés. Comme on l'ad
déjà dit, le retour aux certitudes en
matière monétaire passe donc, probablement
et malheureusement, par de nouvelles épreuves.
"
Ce " jeudi morose " ouvrira-t-il les yeux des hommes
politiques de tous les Etats en leur montrant que la
réforme indispensable du système
monétaire mondial passe par la remise en cause de
la souveraineté nationale absolue ?