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Hommage à Albert Camus
pionnier de la démocratie mondiale

Mardi 14 janvier 2014 au Palais du Luxembourg Paris 6ème

Les intervenants - Partenaires - Interviews - Invitation presse

 Albert CAMUS, décédé en 1960, aurait eu 100 ans le 7 novembre 2013

Albert CAMUS est l'auteur de plusieurs livres aux messages très puissants : "La Peste", "L'Étranger", ... qui lui ont valu le prix Nobel de Littérature, et donc une réputation mondiale. Il est aussi l'auteur de la déclaration lue par Garry Davis et Robert Sarrazac le 19 novembre 1948, lors d'une interruption devenue historique de la session de l'ONU qui siégeait au Palais de Chaillot à Paris.

Hommage à Albert Camus, pionnier de la démocratie mondiale

L'événement, parrainé par M. le Sénateur Joël Labbé (Morbihan)
a été créé au Palais du Luxembourg (Sénat de la République Française) le 14 janvier

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Les intervenants

  • Joël Labbé, Sénateur du Morbihan, Délégué élu au Congrès des Peuples, : l'excellence de la liberté
  • Roger Winterhalter, délégué élu au Congrès des Peuples, président de la Maison de la Citoyenneté Mondiale à Mulhouse : L'utopie de la paix.
  • Mahfoud Gherbi, ancien cadre de l'état Algérien, Pourquoi Albert Camus aujourd'hui ?
  • Alain Gleizes, de l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture : Abolir la torture
  • Raphaël Chenuil-Hazan, directeur de Ensemble contre la peine de mort (ECPM) : "Abolir la peine de mort : un combat universel"
  • Jean-Francis Billion, vice-président de l'Union Européenne des Fédéralistes : Fédérer l'Europe, réformer l'ONU
  • Wadid Benaabou, de l'Association Française pour les Nations Unies : Garder à l'esprit l'exigence de justice
  • Daniel Durand, du Registre des Citoyens du Monde : Gouvernement par le peuple mondial
  • Olivier d'Argenlieu, initiateur de La Marche des Citoyens du Monde
  • Guy Aurenche, avocat honoraire, président du CCFD-Terre Solidaire : Albert Camus, comme une source
  • Emmanouil Athanasiou : du Comité de soutien à Liu Xiaobo : Appel à la libération de Liu Xiaobo

Conclusion de Joël Labbé

Une brochure contenant l'ensemble des interventions est disponible sur simple demande à
Ce document au format pdf

L'évènement en sons et images

haut de page Les intervenants

Joël Labbé, Sénateur du Morbihan, Délégué élu au Congrès des Peuples, :

L'excellence de la liberté

Mesdames et Messieurs, c'est pour moi un plaisir, une fierté, un grand honneur d'accueillir ici au Palais du Luxembourg cet Hommage à Albert Camus, pionnier de la citoyenneté mondiale, dans la suite des diverses célébrations qui ont eu lieu tout au long du centenaire de sa naissance.

Je ne suis pas un spécialiste d'Albert Camus, mais je suis quelqu'un, qui, comme beaucoup, ont lu Camus et se sont intéressés à Camus. Je suis marqué… mon parcours est marqué par la pensée de Camus. Je voudrais vous dire quelques mots, vous parler de liberté, effectivement, mai pas que cela…

Lorsque le mouvement des Citoyens du Monde m'a sollicité pour l'accueil de cette manifestation, ma réponse a été toute naturelle : je suis citoyen du monde depuis de longues années maintenant, et, depuis 2009 élu au Congrès des Peuples, tout comme Marie-Françoise Lamperti, Roger, … De plus, la commune de Saint-Nolff dont je suis maire depuis 1995 s'est déclarée en 1997 par une délibération du Conseil Municipal " Commune du Monde, liée à la communauté mondiale ". Le parrain de cet événement était mon ami alsacien que je ne connaissais pas encore : Roger Winterhalter à qui je repasserai la parole tout à l'heure.

La deuxième motivation est très personnelle : lorsque j'étais jeune homme, Albert Camus est l'auteur qui m'a le plus marqué. Moi, qui ai trop peu lu ces années passées … année du centenaire ou pas, je me suis replongé dans la pensée de Camus.

En quoi est-il d'actualité en ces temps que nous traversons ?

Je me suis rendu compte à maintes reprises à quel point j'ai été marqué par sa pensée. Elle a contribué à construire ma propre vision du monde, à donner du sens à mon engagement politique, parce que je n'étais pas fait pour ça - et je ne suis toujours pas sûr d'être fait pour ça ! pour être au moins là où on ne m'attends pas. Je me retrouve complètement dans la pensée libertaire et dissidente de Camus, me rendant élu atypique, comme ils disent ; et puis, spirituellement la pensée de Camus m'a mené vers une approche agnostique du monde, de la vie, de la mort.

Je le cite : " Je ne trouve pas de sens au bonheur des anges, je sais seulement que ce ciel durera plus que moi, et qu'appellerais-je " éternité " sinon ce qui continuera après ma mort. " Je me retrouve totalement dans cette pensée. Je retrouve en Camus l'homme engagé qui cultive l'excellence de la liberté.

Je le cite à nouveau : " La liberté m'apparaît finalement comme pour les sociétés que pour les individus, pour le travail comme pour la culture, le bien suprême qui commande aux autres ".

L'excellence de la liberté dit à notre conscience humaine qu'il n'est pas acceptable de voir notre planète, notre terre, notre humanité ainsi maltraitées, ainsi mal menées, ainsi méprisées. Cette conscience d'être humain constitue une base de notre responsabilité si nous nous taisons, et notre noblesse si nous nous indignons, si nous nous révoltons et si nous agissons. La liberté dans son excellence du refus des dogmes et des idéologies ". C'était Camus.

Ces idéologies qui enferment et limitent la pensée. La liberté dans son excellence indissociable de la justice, de la fraternité et de la solidarité.

Alors, c'est guidé par ces pensées que je mène mon chemin politique dans le groupe écologiste, le seul possible pour moi. J'ai beaucoup de respect pour les autres groupes, mais le seul où je pouvais entrer, c'est celui-là qui correspond à mes convictions et me laisse toute liberté de pensée et d'expression.

Là encore, je peux facilement faire le lien avec l'univers de Camus par son lien charnel avec la nature, son lien sensuel avec les éléments. Dans une ode dans laquelle je me suis complètement retrouvé, une ode magnifique à la joie de vivre, une ode de l'homme et de la terre.

Je terminerai mon propos en vous parlant de la première proposition de loi développée tout à l'heure que j'ai faite concernant l'interdiction des pesticides dans les espaces publics et les jardins potagers : les molécules chimiques utilisées sont de véritables poisons, on le sait maintenant, et qui empoisonnent le monde entier. Dans les motivations que j'ai exposées à la tribune, j'ai parlé de mon enfance dans la campagne bretonne et je me suis souvenu que j'adorais, l'été, m'allonger dans les herbes sur le dos, le regard plongé dans l'immensité du ciel baigné de soleil scintillant, et là, je ressentais en moi-même et durant des heures, toute la vie de la terre et je me sentais si bien en accord avec elle, charnellement, sensuellement, avec cette vie mystérieuse qui habite la terre.

Et dans mon propos, j'avais retrouvé les mots de Camus qui le disait tellement mieux que moi, c'est dans " Noces à Tipasa ". Je le cite : " Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur.

Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde.

"Entre soi et la terre féconde, la terre nourricière. "

Alors j'ai fait savoir que j'utiliserais maintenant de plus en plus les armes chantées par Leo Ferré, des armes qui mettent de la poésie dans les discours.

Enfin je terminerai mon propos en rappelant la plus grande exigence qu'avait Albert Camus vis à vis de lui-même : être soi.

 En conclusion en cette période de souhaits, je vous dirai quelques souhaits qui ont été écrits par un autre grand monsieur : Jacques Brel. Ces paroles, je les ai découvertes en 1997 et je me suis dit que pour les vœux à la population en 1998, ce serait bien qu'elle les entende, et depuis, chaque fois que je préside une cérémonie, un mariage ou autre, je dis ces mots là. Ce sont des souhaits de ma collectivité, ce sont mes souhaits et ce sont des souhaits mondialistes tellement ils sont universels, alors c'est de nous tous, pour nous tous et vous tous

Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir,
et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns.
Je vous souhaite d'aimer ce qu'il faut aimer,
et d'oublier ce qu'il faut oublier.
Je vous souhaite des passions.
Je vous souhaite des silences.
Je vous souhaite des chants d'oiseaux au réveil
et des rires d'enfants.
Je vous souhaite de résister à l'enlisement,
à l'indifférence,
aux vertus négatives de notre époque.
Je vous souhaite surtout d'être vous.

Je vous remercie.

Les intervenants


haut de pageRoger Winterhalter,
délégué élu au Congrès des Peuples, président de la
Maison de la Citoyenneté Mondiale à Mulhouse :

L'utopie de la paix

Nous voici donc réunis au Sénat pour rendre hommage à Albert Camus, pionnier de la démocratie mondiale.

Permettez-moi de saluer toutes et tous très chaleureusement.

Permettez-moi aussi de remercier plus particulièrement M. le Sénateur Maire de St-Nolff, Joël LABBÉ pour avoir réussi à mettre ces magnifiques locaux à notre disposition pour cet événement. Une certaine complicité nous lie depuis quelques années. En effet j'étais venu à St-Nolff en tant que représentant des citoyens du Monde. Lorsque cette petite Ville du Morbihan s'était déclarée " commune du monde ".

Tout un symbole car une commune c'est avant toute chose une communauté de vie de quelques milliers de personnes, de citoyens et citoyennes. Ces personnes qui Vivent Ensemble sont bien souvent fières de leurs racines, de leur identité, etc.… qui prennent conscience qu'au-delà de St-Nolff, du Morbihan, il existe un territoire qu'on appelle LE MONDE.

Et… ils ont comme d'autres communes pris la décision de se relier au Monde !!! Incroyable mais vrai, Nous sommes d'ici et nous nous relions à celles et ceux qui sont d'ailleurs car nous avons compris que les affaires du Monde sont les affaires de tout le monde car ne l'oublions pas, ne l'oublions jamais : LE LIEN qui nous unit est plus important que le BIEN.

(...)

On m'a demandé de vous parler de la Citoyenneté Mondiale.

Je ne vais pas entrer dans les détails, vous expliquer notre fonctionnement, nos structures (vous trouverez de la documentation sur la table d'exposition). J'ai tout simplement envie de vous dire que nous existons, que nous nous battons, que nous militons pour la Citoyenneté Mondiale. Avec peu de moyens certes ; et j'en profite de remercier Joël LABBÉ pour l'aide qu'il nous a apporté et qui nous permet d'exister un peu mieux. En fait le concept de la citoyenneté Mondiale est bien simple : c'est le combat permanent pour la Paix, la citoyenneté et la démocratie active, le vivre ensemble, le respect de l'Autre et de son environnement. Nous nous battons au quotidien en reliant nos réflexions, nos valeurs à des actions, des pratiques concrètes pour faire en sorte que nos utopies deviennent réalité, nous rêvons d'un Monde où l'on apprend à partager nos biens et nos services, notre pouvoir, notre avoir et notre savoir ; nous rêvons d'un Monde où l'on spécule sur le malheur des autres ; nous rêvons d'un Monde où l'on s'enrichit de nos diversités pour retrouver ou trouver nos ressemblances ; nous rêvons d'un Monde où blanc, noir, jaune, rouge ou basané vivent ensemble ; nous rêvons d'un Monde où l'étranger qui frappe à notre porte entend une belle voix lui répondre "Entrez" ; nous rêvons d'un Monde où l'on se met à la hauteur de l'Autre et à son niveau ; nous rêvons d'un Monde où l'on se prend par la main pour prendre soin de l'autre ; nous rêvons d'un Monde où l'on ne parle plus d'insécurité, de racisme, d'étrangers, mais où l'on apprend à goûter le plaisir d'être ensemble ; nous rêvons d'un Monde où l'on se serre les coudes au lieu de jouer des coudes.

Mais c'est délirant diront certains. Et pourtant c'est bien là le sens de notre démarche, de notre combat.

Et … nous sommes convaincus que nos rêves, que nos utopies deviendront réalités.

Et je vais vous dire pourquoi tout simplement parce que l'incroyable, l'utopie la plus invraisemblable s'est déjà réalisée. Il s'agit de l'utopie de l'Horreur, du Racisme, des Tortures, des chambres à gaz, des camps de concentration, de la Haine de l'Autre, de la guerre… de tout ce qui a existé et qui continue à exister.

Alors… Alors pourquoi ne pas croire à l'utopie de la PAIX, d'une liberté qui commence où commence celle des autres, d'une égalité où les uns ne sont pas un peu plus égaux que les autres, d'une fraternité où l'on se prend la main pour prendre soin.

Alors soyons ensemble résolument utopistes.

Sans transition, je vais passer la parole à Mahfoud Gerbi que l'on présente comme un ancien membre de l'état Algérien, qui va nous dire " pourquoi Albert Camus aujourd'hui ", en quoi l'exemple d'Albert Camus peut-il nous interpeller encore aujourd'hui, notamment lorsqu'on est Algérien, parce qu'il est Algérien, et en même temps, c'est mon frère, parce que nous nous sommes battus il y a bien des années pour l'indépendance de ce pays à contre-courant aussi, non pas parce qu'il fallait à tout prix que ce pays soit indépendant, mais parce que ces personnes, ceux qu'on appelait des FSNA (Français de souche nord-africaine) devaient retrouver la liberté,, et qu'ils soient considérés, qu'ils soient reconnus en tant que êtres humains. C'est comme cela qu'on s'est connu et c'est pendant cette guerre où je suis devenu citoyen du monde, parce que j'ai compris que les affaires du monde sont les affaires de tout le monde, et que le lien qui nous unit est beaucoup plus important que le bien. Alors c'est avec beaucoup de plaisir, mais aussi avec beaucoup d'émotion que je cède la parole à mon frère Mahfoud Gerbi.

Les intervenants


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Mahfoud Gherbi,
ancien cadre de l'état Algérien,

Pourquoi Albert Camus aujourd'hui ?

 Monsieur le Sénateur et Président, je tiens personnellement à vous remercier ainsi que Roger Winterhalter et tout le staff technique organisateur de cette merveilleuse conférence.

Vous m'avez donné le privilège, l'honneur et surtout la joie d'intervenir quelques minutes pour parler d'une icône universelle extraordinaire. Permettez-moi donc, Monsieur le Président, d'intituler mon intervention : " Pourquoi Albert Camus, aujourd'hui ? "

Albert Camus, écrivain, universellement reconnu, prix Nobel en 1957 : son discours est dédié à son instituteur Louis Germain. Vous verrez, à la conclusion, que cette idée là était pour beaucoup une idée très forte en Algérie. Les Algériens ont été fiers de cette reconnaissance. Je constate dans les faits qu'Albert Camus est une source inépuisable au-delà de nos différences : nous voilà ensemble à parler à échanger nos idées. C'est incroyable !

J'ai l'impression de rêver ! Albert Camus est un dénominateur commun, chacun de nous a un numérateur dans la fraction, mais cette icône est notre dénominateur, et " citoyen du monde " pour moi n'est pas une utopie mais une construction concrète.

Albert Camus aujourd'hui. Parce que au-delà des polémiques, des incompréhensions, des erreurs d'analyse, il reste celui qui a révélé et dénoncé la misère du peuple algérien (cf. Algérien et républicain en 1939). Je n'étais pas encore né. Celui qui a mis en cause la politique de sujétion et d'humiliation des Algériens par les gouvernants et les " français d'Algérie " (cf. l'Express du 9 juillet 1955). Celui qui n'a cessé de dénoncer les atteintes à la dignité humaine, celui qui n'a cessé de dénoncer les conditions de vie et les souffrances des Algériens. Celui qui a connu lui-même la pauvreté et la misère, il n'a jamais oublié ses origines. Celui qui est resté fidèle aux siens, tant français qu'arabes, celui qui a réprouvé les massacres perpétrés lors des manifestations dans l'Est du pays en mai 1945. Celui qui rêvait d'une Algérie plurielle où les arabes auraient les mêmes droits que les pieds-noirs, pourraient s'épanouir, se développer, accéder aux postes de responsabilité, ce que l'indépendance a rendu possible.

Sans aucun doute Albert Camus était du côté des opprimés par sa naissance, enfant de famille modeste et pauvre, par son sens de la justice, son goût de la liberté. Une stèle est érigée à sa mémoire en 1961 face au mont Chenoua/Tipaza, gravée par Louis Benissi. C'est un fils de l'Algérie, l'un de nous. Cette icône de la littérature universelle fait partie du patrimoine culturel de mon pays. A ce niveau, je voudrais dédier d'une manière la plus sincère cette intervention à mon épouse Colette Léonard, ici présente, pour rendre un vibrant hommage hautement mérité aux enseignantes et aux enseignants français, qui, après l'indépendance dès 1962, ont participé volontairement, dans le cadre de la coopération technique et culturelle franco-algérienne à la dispense de cours au niveau des établissements scolaires primaires, secondaires, universitaires de mon pays. Sans oublier leur participation individuellement et bénévolement aux différentes phases de l'alphabétisation des milliers d'analphabètes que comptait l'Algérie, pour ne pas dire des millions. Et cela n'est pas utopique. Je dois dire enfin que ce paragraphe m'a été inspiré par l'échange simple et émouvant de lettres entre Albert Camus et son instituteur. Cette icône de l'Algérie, de la littérature humaniste et universelle n'a pas oublié le rôle de l'école, fondement nécessaire et obligatoire pour lutter contre l'ignorance d'une part, et pour les algériens et maghrébins, c'est très important, contre l'obscurantisme mutant d'autre part.

Je vous remercie.

Les intervenants


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Alain Gleizes,
Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture :

Abolir la torture

" Un homme ça s'empêche "

Monsieur le Sénateur, Mesdames, Messieurs,

Je dois vous parler donc sur le thème " abolir la torture " à partir de l'engagement d'Albert Camus contre la torture en Algérie. J'ai donné comme sous-titre à mon exposé une phrase tiré du " Premier Homme " : un homme ça s'empêche.

Dans son discours devant l'académie du Prix Nobel en 1957 Albert Camus parlant de son art déclarait : " L'écrivain ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire ; il est au service de ceux qui la subissent. "

Comme tous ceux de sa génération Albert Camus dut affronter une période de l'histoire avide de victimes comme jamais auparavant. Un conflit mondial de plus de 30 ans alimenté par les nationalismes, le nazisme et le stalinisme ; 30 ans au cours desquels des êtres humains furent anéantis par millions ; 30 ans qui débouchèrent sur la Shoah et sur Hiroshima et Nagasaki, puis sur la guerre froide marquée entre autres par les conflits de la décolonisation.

Une histoire qui, dès septembre 1914 fait d'Albert Camus un orphelin et ajoute au malheur de sa mère ; une histoire qui le trouve dans la résistance ; une histoire dont il refuse d'être un acteur aveugle quand elle semble portée par la pensée marxiste dominatrice mais qui se compromet avec le stalinisme ; une histoire dans laquelle il est en première ligne lorsqu'elle prend sur sa terre natale le visage tragique du conflit algérien.

On connaît les circonstances dans lesquelles éclata la guerre d'Algérie et de quelles atrocités elle s'accompagna des deux côtés. Intellectuel réputé, né et grandi sur le sol Algérien où vivent sa mère et sa famille, une famille très humble, Albert Camus fut vite sollicité par les uns de prendre parti pour l'Algérie Française, par les autres de soutenir le FLN et l'Algérie indépendante. Or, prendre parti pour l'un ou l'autre camp, c'était en même temps accepter les ignominies commises par ce camp. D'un côté le terrorisme aveugle du FLN qui tue des enfants et des femmes, de l'autre la torture et les exactions de la police et de l'armée françaises. Non seulement Albert Camus refusa de choisir, mais il condamna fermement et la torture et le terrorisme. Comme l'a écrit Guy Pervillé, c'était pour lui une nécessité morale absolue que de condamner avec une égale fermeté la torture et le terrorisme.

En conséquence il s'opposait avec une égale fermeté aux intellectuels de droite qui refusaient de condamner la première et aux intellectuels de gauche qui s'interdisaient de condamner le second.

Dans l'avant propos des chroniques algériennes, Actuelles III qu'il publie en 1957, Albert Camus explicite sa position. Ce texte devrait figurer dans les manuels de philosophie et d'histoire des lycéens du monde entier. Je ne pouvais pas en lire au moins de larges extraits pour montrer la rigueur d'une argumentation implacable. Après avoir rappelé sa position d'intellectuel impliqué dans un conflit qui menace directement sa famille, Albert Camus écrit :

" On a le droit, et le devoir, de dire que la lutte armée et la répression ont pris, de notre côté, des aspects inacceptables. Les représailles contre les populations civiles et les pratiques de torture sont des crimes dont nous sommes tous solidaires. Que ces faits aient pu se produire parmi nous, c'est une humiliation à quoi il faudra désormais faire face. En attendant, nous devons du moins refuser toute justification, fût-ce par l'efficacité, à ces méthodes. Dès l'instant, en effet, où, même indirectement, on les justifie, il n'y a plus de règle ni de valeur, toutes les causes se valent et la guerre sans buts ni lois consacre le triomphe du nihilisme. Bon gré, mal gré, nous retournons alors à la jungle où le seul principe est la violence. Ceux qui ne veulent plus entendre parler de morale devraient comprendre en tout cas que, même pour gagner les guerres, il vaut mieux souffrir certaines injustices que les commettre, et que de pareilles entreprises nous font plus de mal que cent maquis ennemis. Lorsque ces pratiques s'appliquent, par exemple, à ceux qui, en Algérie, n'hésitent pas à massacrer l'innocent ni, en d'autres lieux, à torturer ou à excuser que l'on torture, ne sont-elles pas aussi des fautes incalculables puisqu'elles risquent de justifier les crimes mêmes que l'on veut combattre ? Et quelle est cette efficacité qui parvient à justifier ce qu'il y a de plus injustifiable chez l'adversaire ? A cet égard, on doit aborder de front l'argument majeur de ceux qui ont pris leur parti de la torture : celle-ci a peut-être permis de retrouver trente bombes, au prix d'un certain honneur, mais elle a suscité du même coup, cinquante terroristes nouveaux qui, opérant autrement et ailleurs, feront mourir plus d'innocents encore. Même acceptée au nom du réalisme et de l'efficacité, la déchéance ici ne sert à rien, qu'à accabler notre pays à ses propres yeux et à ceux de l'étranger. Finalement, ces beaux exploits préparent infailliblement la démoralisation de la France et l'abandon de l'Algérie. Ce ne sont pas des méthodes de censure, honteuses ou cyniques mais toujours stupides, qui changeront quelque chose à ces vérités. Le devoir du gouvernement n'est pas de supprimer les protestations même intéressées, contre les excès criminels de la répression, il est de supprimer ces excès et de les condamner publiquement, pour éviter que chaque citoyen ne se sente responsable personnellement des exploits de quelques-uns et donc contraint de les dénoncer ou de les assumer."

In "Actuelles III - Chroniques algériennes" - extrait de l'avant-propos - écrit le 25 mai 1958

" Mais, pour être utile autant qu'équitable, nous devons condamner avec la même force, et sans précautions de langage, le terrorisme appliqué par le F.L.N. aux civils français comme, d'ailleurs, et dans une proportion plus grande, aux civils arabes. Ce terrorisme est un crime, qu'on ne peut ni excuser ni laisser se développer. (…)

On ne saurait transformer ici la reconnaissance des injustices subies par le peuple arabe en indulgence systématique à l'égard de ceux qui assassinent indistinctement civils arabes et civils français sans considération d'âge ni de sexe. Après tout, Gandhi a prouvé qu'on pouvait lutter pour son peuple, et vaincre, sans cesser un seul jour de rester estimable.

Quelle que soit la cause que l'on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente où le tueur sait d'avance qu'il atteindra la femme et l'enfant.

Je n'ai jamais cessé de dire, on le verra dans ce livre, que ces deux condamnations ne pouvaient se séparer, si l'on voulait être efficace. "

In "Actuelles III - Chroniques algériennes" - extrait de l'avant-propos - écrit en mars-avril 1958.

Depuis le décès d'Albert Camus en 1960, la conscience humaine a progressé, honteuse des monstruosités qui ont jalonné le XXe siècle.

A partir des années 60, précisément, les ONG de défense des droits de l'homme se sont multipliées et professionnalisées ; des conventions internationales ont été adoptées ; des tribunaux internationaux institués ; des mécanismes d'évaluation des droits civils et politiques mis en place. Je ne retiendrai ici, que la " Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants " - ce qu'on appelle la C.A.T. " dont l'ONU accoucha le 10 décembre 1984, il y a donc 30 ans. La C.A.T. est le seul instrument juridiquement contraignant portant exclusivement sur l'élimination de la torture. Ce qui est intéressant c'est que sur les 195 États que compte la planète, 154 ont ratifié cette convention et 9 l'ont seulement signée. Autrement dit, 163 États sur 195 soit 83 % des États se sont donc engagés ... mais au fait, à quoi se sont-ils engagés ? Je ne vais pas vous infliger la lecture de la C.A.T., je résume les premiers articles, et même je vais couper encore un petit peu : je vais résumer l'article qui me paraît le plus frappant :

Article 2

2. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

Article 3

1. Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

Et pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, l'article premier donne une définition de la torture :

le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.

Donc 5 États sur 6 se sont engagés à respecter ce texte juridiquement contraignant.

Alors, la torture serait-elle quasiment abolie ? Non, bien sûr, vous le savez. On estime que la torture est pratiquée dans une centaine d'États. La plupart ont ratifié ou signé la C.A.T. et ne respectent donc pas leur signature. La torture est loin, bien loin d'être abolie. Pourquoi ?

Arrêtons-nous un instant sur une forme de torture qui elle paraît en voie d'éradication : je pense que vous me le confirmerez : c'est la peine capitale. Un peu plus de la moitié des États ont aboli de jure la peine de mort, et quand un État abolit la peine de mort, il respecte son engagement. Pourquoi n'en va-t-il pas de même avec la torture ?

Le terme " Torture " recouvre une réalité complexe. Pour simplifier, je distinguerai entre la torture pratiquée dans les affaires de droit commun et la torture utilisée comme arme dans des conflits armés ou idéologiques. Torturer un suspect pour obtenir des aveux dans des affaires de droit commun : un vol, un viol, un meurtre … ce qu'on appelait " la question " à l'époque où cette pratique était licite, c'est devenu depuis longtemps une pratique illicite. Elle continue cependant d'être utilisée un peu partout dans le monde, couverte par des juges indignes. Cette pratique n'est, à priori, pas la plus difficile à éradiquer. Très souvent, elle n'a pas le soutien actif de l'État, mais plutôt son soutien passif ; ou, s'il la soutient activement, il peut changer d'attitude sous la pression de l'opinion. Cette forme de torture dans les affaires de droit commun peut être combattue par une politique étatique ferme, une politique qui passe par le développement des techniques modernes d'investigation policière, mais ceci bien sûr a un coût financier. La torture comme arme politique ou guerrière paraît beaucoup plus difficile à éradiquer.

L'analyse à chaud d'Albert Camus sur le terrorisme et la torture dans la guerre d'Algérie montre combien ces deux monstres s'initient, s'entretiennent et s'exaspèrent l'un par l'autre dans une escalade de haine catastrophique. L'histoire toute récente l'illustre bien assez. Les attentats terroristes du 11 septembre frappant des milliers d'innocents ont engendré la légalisation au prix de quelle contorsion ! de la torture par l'administration étasunienne. La guerre civile en Syrie a pour source la torture infligée à 15 enfants en réponse à l'inscription d'un slogan sur un mur d'une école. Les manifestants qui protestaient pacifiquement contre ce crime furent, à leur tour, torturés. La protestation devint donc soulèvement, le soulèvement devint rébellion, la rébellion dégénéra en cette épouvantable guerre civile dont nous sommes les témoins impuissants.

D'une manière générale, c'est un grand classique des dictatures, que de pratiquer la torture pour étouffer toute opposition et on sait que cela peut aller jusqu'au génocide. La mise en place de la justice internationale et les instruments de surveillance du respect des droits de l'homme devraient faire reculer ces abjections, mais il faut souligner que droits civils et politiques et droits économiques, sociaux et culturels sont très souvent interdépendants, et donc la disparition de la torture passe aussi par le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

Pour terminer, revenons au discours d'Albert Camus à Stockholm

. " Par définition, il (l'écrivain) ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou, sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d'hommes ne l'enlèveront pas à la solitude, même et surtout s'il consent à prendre leur pas. Mais le silence d'un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l'autre bout du monde, suffit à retirer l'écrivain de l'exil, chaque fois, du moins, qu'il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence et à le faire retentir par les moyens de l'art. "

In discours d'Albert Camus lors de la réception du prix Nobel à Stockholm

Ce silence du prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l'autre bout du monde, c'est le silence que les institutions et les ONG qui agissent pour l'abolition de la torture et, des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants s'efforcent de faire entendre.

C'est un silence assourdissant pour nos consciences, bien difficile à faire percevoir pour ce qu'il est. L'ultime appel pour sauver notre bien le plus précieux : la dignité inhérente à toute personne humaine. C'est une lutte où on est trop souvent mal compris, mal perçu, jugé à l'aune de la seule efficacité.

Combien de fois m'a-t-on demandé : mais est-ce que c'est efficace, ce que vous faites ?

C'est un combat contre l'absurde. La torture est absurde et ne pas s'y opposer est tout aussi absurde. C'est un combat contre la désespérance. Il est possible que la torture qui est le pire des maux dont l'homme soit capable, ne puisse jamais être abolie. C'est un combat pour la justice, la solidarité et la fraternité. Les prises de position originales et courageuses d'Albert Camus en font l'un de ces éveilleurs des consciences sur qui peuvent s'appuyer tous ceux qui agissent pour l'abolition de la torture.

Je vous remercie.

Les intervenants


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Raphaël Chenuil-Hazan,

Ensemble contre la peine de mort (ECPM) :

Abolir la peine de mort : un combat universel

Je vous remercie pour cette invitation, Monsieur le Sénateur.

Je suis toujours ravi de pouvoir m'exprimer au sujet d'Albert Camus qui, pour nous, est plus qu'une étoile, plus qu'un guide de nos pensées ; il est un guide de nos combats, " combats " qui est un mot si important pour lui, et je vais prendre un moment pour dire combien c'est important pour nous aussi.

Sur l'abolition de la peine de mort qui fut l'un de ses grands combats, tout le monde le sait, la situation actuelle mondiale est plutôt positive, effectivement, s'il en est dans les combats des droits de l'homme un combat qui avance, c'est bien celui-là puisque aujourd'hui nous sommes, si on fait le compte, à 103 pays qui ont aboli la peine de mort dans la loi, 38 autres qui sont des pays en moratoire, qui sont des pays abolitionnistes de fait, qui n'ont pas exécuté depuis plus de 10 ans, et puis il y a 58 pays qui continuent à exécuter régulièrement, et qui dans les dix dernières années ont eu au moins une exécution.

Dans ces 58 pays, il y en a entre 10 et 20 qui sont les moutons noirs de la peine de mort, qui exécutent chaque année, voire qui font des exécutions de masse. Je pense à la Chine, et à l'Iran en particulier.

On est actuellement dans une progression positive puisque aujourd'hui ce décompte, c'est environ deux tiers des pays du monde, des pays de l'ONU qui sont abolitionnistes en droit ou en fait. Si on se retourne sur notre passé pas si lointain - je reviens en 1981 - l'abolition de la peine de mort qui a été ratifiée en face les 28 et 29 septembre 1981 suite à la formidable plaidoirie de Robert Badinter le 17 septembre à l'Assemblée nationale - il le dit souvent - c'est au Sénat que l'abolition est devenue effective et qu'elle a pris son sens ; et si on se replace en 1981, la France était seulement le 35ème État à abolir la peine de mort.

Aujourd'hui, vous pouvez mesurer le chemin parcouru, un chemin parcouru qui ne fait qu'accompagner l'utopie - puisqu'on en parle depuis le début - ou le rêve, ou les vœux d'Albert Camus et de bien d'autres, mais particulièrement d'Albert Camus dans ce XXe siècle. Albert Camus disait : " Mais qu'est-ce donc que l'exécution capitale, sinon le plus prémédité des meurtres ? " " Le condamné à mort meurt deux fois : il meurt dans sa certitude qu'il va être exécuté, et il meurt sur l'échafaud ".

Le rôle des penseurs dans le combat abolitionniste est essentiel dans l'histoire. Je dirais même plus qu'essentiel, il est fondamental : il a initié l'histoire abolitionniste. L'abolitionnisme a pris son essor intellectuel au XVIIIe siècle, porté d'abord par les penseurs des Lumières comme Cesare Beccaria en Italie qui fut le premier, puis Voltaire ou Montesquieu en France, et plus tard Victor Hugo ou encore, il faut le citer, Dostoïevski en Russie. Il est symptomatique de remarquer combien les lettrés, les intellectuels, les philosophes et tous autres penseurs ont été précurseurs d'idées et d'utopies abolitionnistes bien avant les hommes politiques. C'est fondamental dans l'histoire de l'abolition, quand on étudie le mouvement, l'histoire des idées, le combat abolitionniste a été définitivement porté par les intellectuels et les écrivains.

Le XXe siècle a vu l'émergence d'un de ceux-là : Albert Camus, dont on célèbre aujourd'hui l'engagement fut de ces incubateurs de changements. Par la force de la pensée, il avant l'ambition de s'adresser à toutes et à tous dans le plus simple des langages, celui de la raison, de la justice et de l'humanité partagée. Il a su parler au cœur des gens en leur parlant dans le langage de la vérité : voilà le chemin à suivre pour nous, militants abolitionnistes qui ambitionnons de sensibiliser les autres et de toucher largement l'opinion publique si crainte par les hommes politiques et, en particulier, les jeunes générations.

La lutte de Camus prend originellement racine dans un dégoût viscéral que lui inspire la peine de mort. Dégoût évoqué notamment dans " Le Premier Homme ", ouvrage dans lequel Camus raconte combien son propre père avait été éprouvé par le spectacle de la mise à mort d'un condamné. Ce qui est intéressant dans l'abolitionnisme de Camus, c'est que c'est un cheminement personnel : il n'est pas né abolitionniste, il l'est réellement devenu. Il l'est devenu par la confrontation de ses sensations, la confrontation des idées, de la raison, mais aussi, ce qu'il a éprouvé face à la mort, face à la mise à mort et face au sentiment de son père, comme il l'expliquait dans " Le Premier Homme ".

La violence exercée par l'État est perçue par Camus comme un frein à la pacification mondiale qu'il appelle de ses vœux. Ainsi, l'abolition en France n'est qu'une étape symbolique destinée à servir d'exemple pour l'humanité toute entière. " Ni dans les cœurs des individus, ni dans les mœurs des sociétés, il n'y aura pas de paix durable tant que la peine de mort ne sera pas mise hors la loi. ", disait-il dans ses " Réflexions sur la guillotine ", en 1957.

C'est important, aussi pour bien identifier son combat contre la peine de mort, de dire qu'il s'agit d'un combat universel. Il serait fier aujourd'hui de voir où en est le combat pour l'abolition avec l'état des lieux dont je vous faisais part en tout début d'intervention, parce que pour lui le combat pour l'abolition, c'est le combat pour un monde meilleur, pour un monde pacifié, pour un monde juste, non violent, et pour un monde où tout doit commencer par l'abolition de la peine de mort. C'est le préalable à toute chose.

Il faut sans cesse rappeler que la raison est inévitablement du côté de l'abolition. C'est ainsi, par la pensée des grands philosophes et l'éloquence des avocats de la cause que nous toucherons le plus grand nombre. Les tenants du maintien de la peine capitale le savent très bien, consciemment ou non, seules l'émotion et la vengeance, soi-disant au nom des victimes, justifiaient à leurs yeux la mise à mort du criminel. La société ne croit pas elle-même à l'exemplarité dont elle parle. Il n'est pas prouvé que la peine de mort ait fait reculer un seul meurtrier décidé à l'être, alors qu'il est évident qu'elle n'a eu aucun effet, sinon de fascination, sur des milliers de criminels, disait encore Camus dans ses " Réflexions sur la peine capitale " coécrites avec Arthur Koestler en 1957. Ce texte co-écrit avec Arthur Koestler d'une voix d'un Français d'Algérie né en Algérie et d'un Hongrois est un texte formidable de modernité au regard du XXI e siècle dans lequel nous nous trouvons.

Ce que Robert Badinter appelle " pulsion de mort " que l'on a tous en nous qui nous permet d'exorciser cette peur que nous inspire le meurtrier, souvent qualifié de monstre pour mieux le déshumaniser. Il n'est pas comme nous. Nous ne sommes pas comme lui. Mais en fait Camus rappelait bien dans son œuvre qu'évidemment il est comme nous, et qu'évidemment nous sommes comme lui.

Alors à ECPM (Ensemble contre la peine de mort ) a développé tout un arsenal d'actions pour travailler à la sensibilisation des opinions publiques et pour nous, il est extrêmement important de toucher en premier lieu les jeunes générations, de toucher les élèves et les écoliers dans leur apprentissage de la vie et de la citoyenneté.

Et je crois que c'est dans cette démarche que nous avons une action innovante. Nous travaillons depuis 2009 à la sensibilisation des opinions publiques et plus précisément à travers notre programme " éduquer à l'abolition de la peine de mort et aux droits de l'homme dans les écoles ". L'idée maîtresse de ce projet est de replacer les élèves de 12 à 18 ans dans leur rôle de citoyens actifs.

En effet, nous abordons au travers le prisme de l'abolition de la peine de mort un formidable panel des thématiques qui fondent notre citoyenneté : la justice, évidemment, les prisons, l'État de droit, l'histoire des idées et des philosophes, les droits de l'homme, le pardon et la résilience, la vengeance, la question de la non-violence. Toutes ces questions fondamentales, humaines, sont au cœur de nos actions d'éducation dans les écoles. Nous travaillons autour d'interventions scolaires où des spécialistes de la question : activistes des droits de l'homme, sociologues, avocats, journalistes initient les élèves à la problématique ciblée au préalable avec l'enseignant référent. Suit alors l'intervention d'un témoin, ancien condamné à mort, innocenté ou libéré après de nombreuses années, familles de condamné à mort ou familles de victimes de crimes qui luttent contre la peine de mort, mais aussi ceux que l'on appelle les victimes collatérales : des avocats de condamnés à mort qui sont après avoir vu nombre de leurs clients exécutés aux États-Unis ou ailleurs, sont souvent touchés et meurtris bien au-delà de ce que l'ont peut penser.

Nous avons fait témoigner aussi des gardiens de prison qui ont mis à mort des directeurs de pénitenciers aux États-Unis ou autres, qui sont eux aussi victimes du " système ", acteurs bien évidemment, mais à un moment ou à un autre toujours victimes. Il est très intéressant de les faire parler, de les faire témoigner pour rendre vivante auprès des jeunes cette question de la peine de mort qui peut paraître abstraite, qui peut paraître éloignée à des jeunes français, mais elle n'est jamais si loin, d'abord parce que elle appelle tous les populismes. Cette question de la peine de mort… il est incroyable de le voir depuis que je suis directeur de l'ECPM, je le vois chaque jour : elle crispe les passions, même en France, pays qui a aboli la peine de mort depuis 32 ans. C'est incroyable comment encore aujourd'hui elle est un vecteur de positionnement identitaire, idéologique et politique.

Ici longue énumération des outils pédagogiques mis en place par ECPM et des expériences menées dans les milieux scolaires.

On ne peut pas parler de Camus sans parler de l'Algérie. J'étais en Algérie il y a tout juste un mois pour une conférence que nous donnions à Alger en partenariat avec le Conseil National des Droits de l'Homme Algérien. L'impact d'Albert Camus dans ce pays est assez incroyable, et je suis certain que Albert Camus, de là où il est, aimerait énormément que l'Algérie soit le premier pays arabe à abolir la peine de mort. J'émets le souhait en son nom pour que l'on puisse très prochainement abolir la peine de mort en Algérie, sachant que l'Algérie n'a pas exécuté depuis 1991, sachant que l'Algérie vote aux Nations unies la résolution pour un moratoire universel qui a lieu tous les deux ans, donc c'est un pays qui vote en faveur de cette résolution. Or, on a constaté qu'il n'a pas exécuté depuis 23 ans et je crois que l'Algérie, malgré la situation sécuritaire, malgré sa situation politique interne, doit être capable de pouvoir abolir et je terminerai sur deux choses : d'abord comme je l'ai dit dans mon discours à Alger, je crois que fondamentalement abolir la peine de mort en Algérie aujourd'hui, c'est parachever une bonne fois pour toutes la décolonisation, car la peine de mort a toujours été l'épée de l'oppression et en Algérie, cela a été l'épée fondamentale de l'oppression colonisatrice. Ça c'est une réalité. L'échafaud a tourné à tours de bras en Algérie dans les années 50 et 60 et elle a été l'outil d'oppression colonisatrice. Je crois vraiment que abolir la peine de mort, non seulement en Algérie, mais dans de nombreux autres pays, c'est aussi tourner le dos une bonne fois pour toutes à la colonisation.

Enfin, tout comme l'esclavage, comme la torture, comme la colonisation, la peine de mort doit faire partie d'un passé complètement révolu et doit faire partie moralement d'une universalité et d'une utopie universelle des droits humains.

Je vous remercie.

Les intervenants


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Jean-Francis Billion
,
Union Européenne des Fédéralistes :

Le texte intégral préparé pour l'événement
est disponible au format pdf

Fédérer l'Europe, réformer l'ONU

Bonsoir,

Je tiens tout d'abord à remercier Madame Lamperti et Daniel Durand qui m'ont invité à cette soirée. Je suis très heureux d'être là parce que, tout en étant fédéraliste européen et mondial et (en plaisantant) " intergalactique ", je suis enregistré en tant que Citoyen du Monde depuis 1967.

Pourquoi me suis-je engagé en tant que citoyen du monde, d'une part, et en tant que fédéraliste, finalement pratiquement en même temps, même si j'étais citoyen du monde quelques mois avant.

J'ai essayé de rejoindre à Lyon le mouvement fédéraliste mondial, et je n'en avais pas trouvé les coordonnées, alors j'ai adhéré chez les fédéralistes européens : ça fera une étape.

Je vais peut-être être le premier à parler de la guerre et de la paix, je voudrais donner une définition pour un fédéraliste de ce qu'est la paix, parce que si on prend un autre grand fédéraliste, à part Albert Camus, je veux parler de l'Abbé Pierre, qui a lui aussi été en tant que fédéraliste un soutien de Garry Davis, et par là on en arrive à la citoyenneté mondiale.

L'Abbé Pierre avait l'habitude de dire, et j'ai lu dans un livre qui vient de paraître " Inédits " de l'Abbé Pierre, un compte-rendu in extenso qu'il a fait d'une discussion qu'il a eue avec Charles de Gaulle quand il était président du Conseil sur la nécessité d'un statut pour les objecteurs de conscience. Dans ce compte-rendu, l'Abbé Pierre disait au Général : " je vous rappelle que je ne suis pas pacifiste " - la preuve est que durant la seconde guerre mondiale, il s'était engagé dans la résistance -. Il dit " je ne suis pas pacifiste ". Moi non plus je ne suis pas pacifiste. Je vais vous dire pourquoi et je vais vous citer une phrase de Mario Albertini qui est l'ancien Président de l'Union Européenne des Fédéralistes, qui est aussi un regretté (il est décédé) professeur de philosophie de la politique à l'université de Pavie, en Lombardie.

D'après moi, la paix n'est pas l'absence occasionnelle de guerre. L'absence occasionnelle de guerre, c'est la trêve. La paix c'est autre chose.

Albertini dit également : La paix ne doit pas être confondue avec le pacifisme des Etats : les Nations unies ; le pacifisme des partis politiques : l'internationalisme ou de la conscience individuelle : les conceptions religieuses, morales, philosophiques.

La paix, c'est une forme d'organisation du pouvoir international qui transforme les rapports de force entre Etats en véritables rapports juridiques. En tant que telle, la paix demande de manière spécifique l'élargissement du gouvernement démocratique d'un seul pays à une pluralité de pays. L'idée fédéraliste de la répartition du pouvoir politique dépend donc de l'idée même de la paix. L'obligation de reconnaître les conditions historiques et sociales qui permettent d'instaurer la paix et de la maintenir dans une partie du genre humain ou dans l'humanité toute entière en découle.

Effectivement Camus était un fédéraliste, dés avant la seconde guerre mondiale. Dès avant les deux conflits civils mondiaux du XXe siècle, des mouvements fédéralistes sont apparus sur divers continents, mais c'est vraiment à la fin de la seconde guerre mondiale, en septembre 1947, à Montreux, que deux congrès fédéralistes internationaux se sont réunis : le premier congrès statutaire de l'Union des fédéralistes européens que je représente ici, qui s'était créé en 1946 après la libération à Paris, et le premier congrès constitutif du Mouvement Universel pour une Confédération Mondiale qui est aujourd'hui le " World Federalist Movement " (Mouvement Fédéraliste Mondial) que je représente également, puisque l'UEF-France est dorénavant depuis quelques années une association associée au Mouvement Fédéraliste Mondial.

Depuis la fin de la guerre, les mouvements fédéralistes, qu'ils soient d'obédience " régionaliste ", c'est-à-dire en l'occurrence qu'ils soient européens, africains, latino-américains, sud-asiatiques, etc . ou " mondialiste " ont souvent eu, même lorsqu'ils s'opposaient pour d'autres raisons les uns aux autres, des approches similaires : l'appel aux peuples constituants, les élections primaires, pour les Citoyens du Monde, ce sont les élections au Congrès des Peuples, pour les Fédéralistes européens, ce sont les élections au Congrès du Peuple Européen d'Altiero Spinelli, sur l'image du Congrès de Gandhi pour l'indépendance indienne, les appels aux Etats pour signer des pactes intergouvernementaux fédératifs, les approches fonctionnalistes comme Jean Monnet en Europe, ou Lord Boyd Orr au niveau international qui disait : il faut faire la F.A.O., il faut créer les grands ministères d'un futur gouvernement mondial : la F.AO, l'UNICEF, L'UNESCO, etc.. Et le fait que les fédéralistes européens ou mondiaux finalement dans tous les pays du monde, aient maintenu des méthodes d'action commune, à savoir, la méthode d'un surplus de démocratie, la non-violence, le fait qu'ils aient une même culture qui était la " culture de la paix (le fédéralisme) contre la culture de la guerre (le nationalisme) " a fait qu'après l'écroulement de l'Union soviétique, les forces fédéralistes dans le monde ont pu se réunir même de manière imparfaite. C'est le cas du mouvement fédéraliste, mais c'est aussi ce qui permet qu'aujourd'hui les fédéralistes européens n'ont plus aucun travail même si nous estimons que nous devons progresser par étape vers la fédération mondiale … (et la citoyenneté mondiale, évidemment), qui est, je le pense, notre but ultime.

Je voudrais donner quelques raisons pour lesquelles Camus était fédéraliste : avant de dire comment aujourd'hui les Fédéralistes peuvent être fidèles aux enseignements et aux engagements de Camus dans leur action politique. Je suis Lyonnais, alors je vous donnerai un exemple lyonnais : En juin 1944, quelques semaines avant le départ des Allemands, un Comité français pour la fédération européenne est créé à Lyon par des militants de la résistance provenant de tous les mouvements de la résistance non-communiste. Son principal responsable est André Ferrat. André Ferrat est un ancien très haut responsable du Kimintern , très haut responsable du Parti Communiste qui a été exclu en 1936 du PCF par antistalinisme d'une part, mais surtout parce qu'il avait, au sein du PCF et à la marge du PCF créé une revue oppositionnelle qui s'appelait " Que Faire ? ".

Que Faire ? regroupait à la fois des membres clandestins au sein du Parti Communiste et des membres ouverts en dehors du Parti Communiste, provenant d'anciens Trotskistes qui avaient rompu avec Trotski, de libertaires, de socialistes de gauche, etc.. Les membres de " Que Faire ? " seront très nombreux dans ce Comité Français en 1946. Donc en 1944 est créé le Comité Français pour une Fédération Européenne. Il semblerait que dès 1942 Ferrat ait eu des contacts clandestins ou ait tenté d'avoir des contacts avec les militants fédéralistes italiens emprisonnés sur l'île de Ventotene où ils ont rédigé en 1941 un manifeste pour une Europe libre et unie : Le manifeste de Ventotene. Dès 1942 on sait que l'idée fédéraliste était partagée par un certain nombre de gens dans tous les mouvements non communistes de résistance européens ; l'idée fédéraliste européenne, mais également mondiale. J'insiste là-dessus. Comment Camus a-t-il été l'un des fondateurs de ce comité puisque la déclaration de comité en juin 1944 - qui était bien sûr encore clandestine, même si un comité clandestin existait depuis janvier 1944 - le Comité français existe depuis juin 1944, et je voudrais vous lire des passages de la déclaration rédigée par André Ferrat, Gilbert Zacsas, autre ancien de parti communiste et membre de " Que faire ? " et Albert Camus pour la création du Comité français pour la fédération européenne.

Que disent-ils ? Ils reviennent sur le fait que des courants fédéralistes dans les zones occupées et en Allemagne dans les camps de concentration etc. - c'était le cas entre autres de Stéphane Hessel - /// Il y a actuellement des travaux universitaires qui portent sur des celles fédéralistes clandestines dans le camp de Buchenwald /// … et ils disent en particulier : " il est impensable de :

  1. reconstruire une Europe prospère, démocratique et pacifique, sous la forme d'un assemblage d'Etats souverains, séparés par leurs frontières politiques et douanières… ;
  2. que toute tentative d'organiser la prospérité, la démocratie et la paix par une Société des Nations du type d'une ligue d'Etats est vouée à la faillite… ;
  3. que l'Europe ne peut se développer dans la voie du progrès économique, de la démocratie et de la paix que si les Etats nationaux se fédèrent et remettent à l'Etat fédéral européen : l'organisation économique et commerciale…, le droit d'avoir seul une armée et d'intervenir contre toute tentative de rétablissement de régime autoritaire, la direction des relations extérieures, l'administration des territoires coloniaux…, la création de la citoyenneté européenne en plus de la citoyenneté nationale "… ;
  4. que les gouvernements nationaux ne seront subordonnés au gouvernement fédéral que lorsqu'il s'agira de questions intéressant l'ensemble des Etats fédérés… ".

Mais ils mettent également l'ensemble de la résistance en garde contre le fait que si, après la libération, ce n'est pas d'abord la Fédération européenne qui est créée, mais que les Etats recouvrent totalement leur indépendance et leur souveraineté, on signera à nouveau une paix comme en 1919 contre les peuples. Et cet appel qu'ils lancent à la fédération, le Comité français, et donc Camus qui est l'un des rédacteurs, l'adresse aux forces patriotes démocratiques, socialistes et communistes.

Alors, Camus, quand s'est-il intéressé au Comité français ? il semblerait qu'il y soit entré après son entrée à Combat qui date de 1943 quand il était soigné de sa tuberculose au Chambon sur Lignon. Il y est amené en particulier par son ami Pascal Pia, comme lui proche des mouvements libertaires qui lui a rejoint la résistance dès 1940 lorsqu'il a quitté l'Algérie. On trouve des textes de Camus qui montrent ses tendances fédéralistes dès 1938-1939 en Algérie dans le Soir Républicain, et avant dans Alger Républicain - on en a parlé tout à l'heure -. Il y a entre autres sept textes en 1939 de Camus, parfois Camus et Pia, parfois Camus, Pia et une troisième personne, parfois sous des pseudonymes divers et variés qui défendent la solution fédéraliste pour l'Europe et pour le Monde après le conflit mondial. Camus était également très proche, par sa mère, de l'Espagne et donc très proche et très intéressé à la fois par la République Fédérative d'Espagne, et par le socialisme libertaire catalan. Voilà quels sont les antécédents de Camus.

On pourrait parler également de l'Algérie. Il y a au moins trois domaines où Camus a parlé de fédéralisme pour l'Algérie : ça a été d'abord, bien sûr, au niveau de la Kabylie, ça a été au niveau de la création de l'Union française, tout en demandant que la capitale d'une Union française fédérale soit Alger, etc.

Et, finalement, je vous parlerai très peu de Camus et de Garry Davis, puisque je sais qu'on va lire la déclaration d'Oran tout à l'heure.

Je pense que vous connaissiez moins bien sans doute pour la plupart d'entre vous cet épisode du Comité français pour la fédération européenne que l'activité de Camus citoyen du monde et de Camus soutien à Davis. Ce que je voudrais dire effectivement maintenant, c'est où en sont aujourd'hui les fédéralistes ? que font-ils pour rester dans l'esprit de Camus ?

Au niveau des Fédéralistes européens, nous nous battons aujourd'hui pour que la prochaine élection de ce premier parlement supranational démocratique qu'est le parlement européen ne soit pas un échec, même s'il y a de plus en plus, malheureusement, d'abstentionnistes. C'est quand même la première fois qu'un certain nombre de pays qui ont été en guerre pendant des siècles arrivent à élire dans une Union européenne, un parlement supranational démocratique. Il ne faut pas jeter cela aux orties .Il faut aller voter. Donc les fédéralistes européens vont faire une campagne, non pas pour dire pour qui voter, mais pour dire qu'il faut participer à l'acte électoral.

Nous allons lancer, et cela, nous l'avons présenté à la Commission de Bruxelles le 7 janvier dernier et nous aurons la réponse au plus tard le 7 mars, une initiative citoyenne européenne (il y en a une première qui vient de réussir et qui aboutira à une directive européenne, c'est celle sur l'eau comme bien commun de l'humanité) sur un plan européen pour le développement durable, tourné vers les ressources énergétiques vertes et de création d'emplois.

Au niveau des fédéralistes mondiaux, que faisons-nous comme action politique ?

Je reviendrai sur ce qu'a dit l'ACAT et nos amis de ECPM et sur l'action de Camus à ces sujets là, les fédéralistes mondiaux et Bill Pace, qui est le directeur exécutif du Mouvement Fédéraliste Mondial, ont créé, il y a quelques années une coalition internationale des ONG, forte aujourd'hui de 2500 ONG pour le Tribunal Pénal International. Les Fédéralistes français s'engagent toujours plus dans cette voie et nous avons UEF-France, adhéré il y a quelques semaines à la Coalition française des ONG pour la Cour Pénale Internationale. Il y a une action à ce sujet là.

Le Mouvement Fédéraliste Mondial mène une deuxième action : c'est pour un droit mondial des génocides et pour l'activité de l'ONU en matière de responsabilité de protéger, ce qu'on appelle la RDP.

Ensuite, les fédéralistes se battent pour un parlement mondial. Il y a eu, il y a quelques jours, en Europe et dans le monde, dans 55 villes du monde, des Flashmob et des manifestations et des conférences, etc. pour la Première semaine d'action mondiale pour un parlement mondial. Nous donnons rendez-vous à tous ceux qui sont intéressés au prochain mois d'octobre. Cette année, nous n'avons pu en France organiser une action que sur Strasbourg. Nous voudrions, l'année prochaine - nous allons lancer un appel à nos amis les " Jeunes européens " etc. il y a beaucoup d'autres associations - lancer une action sur Paris dans le cadre de la deuxième semaine d'action mondiale pour un parlement mondial.

Nous soutenons également l'action de la campagne pour une Assemblée Parlementaire au sein des Nations unies un peu sur l'idée du parlement européen qui a commencé comme une assemblée consultative de parlementaires nationaux nommés par les parlements nationaux et qui, grâce à l'action des fédéralistes en particulier, a été, plus tard, élu au suffrage universel direct. Nous pensons qu'une APNU, consultative auprès de l'Assemblée Générale serait une première étape vers le parlement mondial que nous voulons.

Voilà quelques formes d'action que nous sommes capables de vous proposer.

Je vous remercie.

 

Les intervenants


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Wadid Benaabou,
Association Française pour les Nations Unies :

Garder à l'esprit l'exigence de Justice

Mesdames et Messieurs,

Je suis Wadid Benaabou, magistrat à la Cour des Comptes, mais c'est en tant que membre de l'Association Française pour les Nations Unies que je m'exprime aujourd'hui, une association qui est née en 1918 d'abord pour soutenir la Société des Nations et ensuite pour soutenir l'organisation des Nations Unies (ONU).

La Charte de l'ONU poursuit des objectifs qui sont très nobles. Vous les connaissez : préserver les générations futures contre le fléau de la guerre ; promouvoir les droits de l'Homme ; favoriser le progrès social. Et pourtant l'ONU a été critiquée et est toujours critiquée. Elle a été critiquée en particulier par Camus. On parlait tout à l'heure de la " déclaration d'Oran ". Elle a été critiquée justement parce qu'elle n'était pas assez ambitieuse. Ce qu'il voulait, c'était un gouvernement mondial réel, et pas simplement un forum des États. Donc des Nations unies pas assez ambitieuses. Les Nations unies sont également critiquées pour ne pas être suffisamment efficaces, et effectivement notamment pour la résolution d'un certain nombre de crises pendant la Guerre Froide, en particulier, l'Organisation des Nations Unies n'a pas été efficace. Mais aujourd'hui, je voudrais vous parler de quelque chose qui a fonctionné. Un projet qui est à la fois extrêmement ambitieux et pour lequel les Nations unies se sont montrées plutôt efficaces. Ce sont les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Qu'est-ce que c'est ?

En 2000, les Nations unies se sont données huit objectifs dans les domaines de la pauvreté, en terme de réduction de pauvreté, en terme d'éducation, et en terme de santé notamment. Des objectifs précis pour 2015, avec des indicateurs très précis à atteindre, notamment, en terme de réduction de pauvreté. Et cette initiative qui était à la fois extrêmement ambitieuse s'est avérée plutôt efficace. Aujourd'hui, nous sommes à un an du terme de ces objectifs, et la pauvreté a reculé. Elle a reculé et avec 5 ans d'avance, l'objectif qui avait été fixé en 2000 a été atteint il y a déjà quatre ans. Il y a notamment deux milliards de personnes de plus qui ont accès à l'eau potable. L'objectif qui a été fixé de réduire par deux le nombre de personnes qui souffrent de la faim est en passe d'être atteint et sera très probablement atteint en 2015.

On a donc là un succès majeur dont on parle assez peu et que l'on doit en partie, en partie seulement, mais en partie tout de même aux Nations Unies car elles ont su fixer un cap et donner des objectifs précis.

Certes, il y a un certain nombre d'objectifs qui ne sont pas atteints et qui ne le seront peut-être pas : des objectifs en terme d'accès à l'éducation, en terme de réduction de la mortalité infantile ou de promotion de l'accès aux médicaments pour les malades du SIDA. Mais même dans ces domaines, les progrès qui ont été réalisés sont majeurs. Alors est-ce à dire que tout va bien ? Certainement pas ! Tout ne va pas bien, mais notamment les disparités régionales sont assez importantes quand on regarde la réduction de la pauvreté, cela a été le cas effectivement en Asie du Sud-Est principalement, ça a été le cas en Amérique Latine, mais assez peu, marginalement, plus marginalement en Afrique sub-saharienne. Mais les choses avancent. Alors, est-ce qu'on doit s'en satisfaire ? Certainement pas !

Je pense qu'il faut garder à l'esprit l'exigence de justice de Camus, l'ambition importante de Camus, le garder à l'esprit pour réformer les Nations unies. Et cette réforme, elle est indispensable. C'est notamment la réforme du Conseil de Sécurité qui, lui, n'est pas assez représentatif. Nous avons une institution qui est restée figée, qui a gardé une conception du monde qui était celle de 1945 ; depuis, le monde a changé. Un certain nombre d'États ont émergé, le Brésil, l'Inde et d'autres États. Il faut donc poursuivre cette réforme et je pense que dans cette réforme, notre pays, la France, a un rôle particulier à jouer. Elle a un rôle particulier parce que au sein des Nations unies, elle fait partie des cinq États membres permanents du Conseil de Sécurité, et donc, la parole de la France est une parole qui compte particulièrement. Elle a un rôle à jouer aussi parce que le message de la France et le message qu'a porté Camus en particulier, c'est un message universaliste et donc au nom de ce message, au nom de la fidélité à ce message, pour nous en montrer dignes, il faut, me semble-t-il, que l'on promeuve une réforme des Nations unies pour atteindre les objectifs que l'organisation s'est fixés.

Que retenir de cette très courte intervention ? Un message d'optimisme : tout ne va pas si mal. Et la mondialisation qui a un certain nombre d'effets négatifs bien réels que nous ressentons en particulier en France a aussi un certain nombre d'effets positifs. Et quand on est universaliste, on ne peut que se réjouir de l'émergence de la Chine. Car l'émergence de la Chine, c'est aussi la sortie de la pauvreté d'énormément de Chinois. De la même manière, pour le Brésil et pour l'Inde. Un message d'optimisme et puis un appel à poursuivre et à mettre en œuvre la réforme des Nations Unies et donc à faire pression sur le gouvernement français pour pousser pour une réforme des Nations unies.

Je vous remercie.

Les intervenants


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Daniel Durand
Registre des Citoyens du Monde :

Gouvernement par le peuple mondial
La "déclaration d'Oran"

Lorsque nous avons préparé cette manifestation, nous avons voulu que les grands thèmes qui étaient défendus pas Albert Camus soient présentés sous leur aspect d'aujourd'hui : Qu'est-ce que c'est que Albert Camus aujourd'hui ? Mais en même temps nous avons voulu que les mots d'Albert Camus qui ont été importants pour nous, les Citoyens du Monde, soient entendus à cette occasion. Et donc, je vais vous donner la lecture de ce qu'on a appelé, après, dans sa diffusion, la déclaration d'Oran.

Dans cette déclaration, Albert Camus fait un jeu subtil dans le choix des mots - c'est lui qui l'a rédigée principalement et il l'a confrontée ensuite à une équipe qui était autour de Garry Davis - mais cette déclaration, il l'a travaillée dans le choix des mots.

Il s'agit de démocratie mondiale

La démocratie, c'est le gouvernement par le peuple. Si on parle de démocratie mondiale, on parle de gouvernement par le peuple mondial. Et donc, là, on emploie le singulier alors que la Charte des Nations unies commence par " au nom des peuples " (au pluriel). Il y a là une grande différence.

Pourquoi le pluriel à un endroit, pourquoi le singulier à un autre ?

Il y critique également la recherche absolue de la souveraineté, qu'il a analysée avec d'autres, comme étant l'une des causes de la guerre.

Et donc voici ce qu'il a écrit, qui a été lu non pas par Garry Davis lui-même parce que lui, quand il a ouvert la bouche, il s'est fait immédiatement ceinturé à l'intérieur du Palais de Chaillot, mais qui a été lu par Robert Sarrazac, qui était, à l'époque étiqueté de " Citoyen du Monde n° 2 "

Monsieur le Président,

Messieurs,

Au nom des peuples du monde qui ne sont pas représentés ici, je vous interromps,

Mes paroles seront sans doute insignifiantes pour vous. Et pourtant notre besoin d'un ordre mondial ne peut être plus longtemps négligé.

Nous, le peuple, nous voulons la paix que seul un gouvernement mondial peut donner.

Les États souverains que vous représentez ici nous divisent et nous mènent à l'abîme de la guerre.

J'en appelle à vous pour que vous cessiez de nous entretenir dans l'illusion de votre autorité politique. J'en appelle à vous pour que vous convoquiez immédiatement une Assemblée Constituante Mondiale qui lèvera le drapeau autour duquel tous les hommes peuvent se rassembler : LE DRAPEAU DE LA SOUVERAINETÉ D'UN SEUL GOUVERNEMENT POUR UN SEUL MONDE.

Si vous manquez à cette tâche, écartez-vous, une Assemblée des Peuples surgira des masses mondiales pour bâtir ce gouvernement.

Car rien de moindre ne peut nous servir.

Les intervenants


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Olivier d'Argenlieu, citoyen du monde :

la Marche des Citoyens du Monde
vers l'unité politique de la planète

Citoyens de nos Communes, citoyens de nos Régions, citoyens de nos États, nous savons ce que le mot " citoyen " veut dire : à tous les niveaux, la citoyenneté est la marque de la souveraineté du peuple, avec ses droits et ses devoirs.

Aujourd'hui, nous voilà invités à devenir Citoyens du Monde. Pourquoi ? Parce nous ne pouvons pas laisser le destin de l'humanité entre les mains de 200 États, petits et grands, qui se déclarent tous souverains et indépendants, alors qu'ils ne sont déjà plus que les provinces d'un Monde qui tarde à réaliser son unité politique !

Nous ne sommes plus en 1948, et ce qui était une belle intuition, mais encore une utopie de la part d'Albert Camus, Emmanuel Mounier, Robert Sarrazac, Garry Davis et quelques autres, est devenu aujourd'hui une impérieuse nécessité.

Car, sous l'effet du progrès technologique et de l'abolition des distances entre les hommes, la COMMUNAUTÉ MONDIALE, dont soit dit en passant la population est passée en moins d'un siècle de 2 milliards à 7 milliards d'individus, est devenue une réalité. Mais elle n'est pas encore dotée des 3 composantes institutionnelles qui sont essentielles pour assurer la survie et le développement de toute communauté humaine :

  • des Règles qui s'imposent à tous,
  • une Autorité qui veille au respect de ces règles, et qui œuvre au bien commun,
  • une Représentation démocratique de la population, qui, édicte les Règles, et mandate et contrôle l'Autorité.

Qui plus est, notre Communauté mondiale est confrontée à des défis planétaires, dont certains sont anciens et récurrents - maintien de la paix, risque nucléaire, pandémies, désordre économique - et d'autres plus récents : dégradation de l'environnement, raréfaction des énergies, de l'eau et des ressources alimentaires, migrations massives des populations…

Les institutions internationales actuelles, au premier rang desquelles l'ONU - qui n'est qu'un club d'États souverains et indépendants fondé après le cataclysme de la seconde guerre mondiale par 51 États et qui en compte aujourd'hui près de 200 - sont par nature impuissantes à faire face à ces défis planétaires. L'actualité, chaque jour, est là pour nous le rappeler.

Les leaders politiques de nos États, eux, sont prisonniers de l'égoïsme naturel des nations et de l'obligation qu'ils ont d'obtenir des résultats à court terme. Ils ne sont donc pas mieux placés pour relever ces défis.

En l'absence d'une autorité supranationale, la planète se trouve livrée aux mains de ceux qui possèdent abondamment des capitaux ou des matières premières, et qui entendent les faire fructifier au mieux de leurs intérêts en se jouant des peuples et des frontières…

La tentation est grande alors pour la majeure partie de nos contemporains de se replier, désabusés, sur la sphère privée, en cherchant simplement à satisfaire ses besoins immédiats et ses appétits personnels.

Pour ceux qui croient encore à la vertu des institutions politiques, la tentation est grande aussi de valoriser plus que jamais la compétition entre les nations, au nom d'un patriotisme prétendument salvateur…

Seule une poignée d'hommes et de femmes de ce temps ont compris qu'il faut apporter à la Communauté mondiale la clé de voûte qui manque à ses institutions politiques : la Fédération mondiale des Nations Unies que nous appelons de tous nos vœux.

Tel est l'objet la Marche des Citoyens du Monde vers l'unité politique de la planète. Elle rassemble dans un mouvement civique mondial tous les hommes et toutes les femmes de notre temps qui sont résolus à amener les dirigeants de leurs pays à signer une nouvelle Charte des Nations Unies, celle qui va donner naissance à la Fédération mondiale des Nations Unies.

Éminemment respectueuse des États, la Fédération mondiale va apporter à la Communauté mondiale les 3 composantes institutionnelles qui lui font cruellement défaut aujourd'hui.

Pacifique, mais résolue, la Marche des Citoyens du Monde vers l'unité politique de la planète est maintenant lancée. C'est une longue Marche qui s'engage… Elle va demander plusieurs décennies pour aboutir. Mais au fil des années, la petite poignée va devenir un groupe de pression de plus en plus puissant, jusqu'à atteindre l'objectif que la Marche s'est fixée.

N'hésitez pas à la rejoindre : c'est le projet politique majeur du XXIème siècle !

N'attendons pas qu'un nouveau cataclysme mondial, quelle qu'en soit l'origine, nous oblige à franchir le pas…

www.worldcitizensmarch.org

Les intervenants


haut de pageGuy Aurenche,
CCFD-Terre Solidaire :

Nous sommes les bâtisseurs, les éveilleurs de " ce jour de l'homme "

Le thème de mon intervention rejoint tout à fait ce qui vient de nous être dit : c'est d'essayer de dire comment les membres de la société civile que nous sommes tous, ou du moins, appelés à être, peuvent-ils se nourrir de la pensée d'Albert Camus pour répondre à ce défi que vous venez de nous lancer : il s'agit de nous mettre en route ; il s'agit de mettre en œuvre et d'incarner cette démocratie mondiale.

Je voulais proposer à ces membres de la société civile, associations, groupements, organes qui ne sont pas directement liés à l'engagement et à la responsabilité d'un mandat politique, je voulais proposer de faire d'Albert Camus une source.

Cinq points pour cette source.

Albert Camus, vous l'avez sans doute vous-même apprécié, impose toujours au cœur de ses hésitations, de ses désespoirs, de ses doutes, il impose un impératif de la vie. C'est très surprenant de la part de cet homme qui est à la fois capable de nous décrire des situations dramatiques, qui a été très souvent écartelé entre les positionnements et en même temps de nous redire que ce qui est impératif, c'est la vie. À la fin de ce colloque d'hommage à Albert Camus, nous sommes invités rejoindre cet impératif de la vie.

Le premier point chez Albert Camus, mais je l'applique, à nous, aujourd'hui, en 2014, c'est la lucidité à la fois révoltée et froide avec laquelle Albert Camus analyse la société dans laquelle il vit. Il n'y a pas de moyen de relever sincèrement l'impératif de la vie, l'impératif de la démocratie mondiale si nous ne passons pas au crible d'une lucidité à la fois révoltée et froide, les grands paramètres de la situation d'aujourd'hui.

- En 1939, ils n'étaient pas très nombreux, les français qui osaient écrire les paroles suivantes : "j'ai vu à Tizi Ouzou des enfants en loques disputer avec des chiens le contenu d'une poubelle". Si nous ne construisons pas cette démocratie mondiale sur la base de cette lucidité, nous sommes des menteurs ; parce que nous ne la construisons pas avec ces enfants qui disputent de quoi manger à quelques chiens.

- en 1948, vous connaissez cet article d'Albert Camus, juste après l'émergence internationale à travers l'organisation des Nations Unies : " Nous savons aujourd'hui qu'il n'y a plus d'îles, et les que les frontières sont vaines ". En 1948. Il rejoint, par cette lucidité révoltée et froide, l'interdépendance qui nous a été décrite il y a un instant et qu'il nous faut construire autrement qu'autour du match entre puissants.

Le second impératif, c'est le refus d'Albert Camus face à l'inacceptable inhumain. Banal, classique. Pas tellement. Et je vous invite à vous reporter au discours qu'Albert Camus fait à New York en 1946. Il doit traiter de la question de : " qu'est-ce que l'homme ? " ou de la crise de l'homme. Il s'interroge : " comment se fait-il que moi, Albert Camus qui appartient à une génération de Nihilistes (première moitié du vingtième siècle : on a cassé les idéologies, les philosophies, la religion, on a cassé l'art, etc.) comment se fait-il que ces hommes et ces femmes aient été capables pendant la deuxième guerre mondiale de trouver des raisons du sacrifice, c'est-à-dire de donner leur vie ? Où sont-ils allés chercher ça ? Albert Camus dit ceci (à New York en 1946) : " Nous disions (il parle de sa génération) non à ce monde, à sa fondamentale absurdité, à la civilisation de mort que nous voyons construire autour de nous. Nous affirmions que ce processus était allé trop loin, qu'il y avait une limite au supportable. "

Il n'y a pas de construction de la démocratie mondiale sans poser les limites au supportable. Et c'est tout un débat. C'est ce que j'appelle le refus de l'inacceptable inhumain. Mais Camus, dans ce discours, ne se contente pas de dire l'inacceptable. Lui, qui se dit lui-même baigné dans le nihilisme, affirme dans le même discours : " simultanément nous affirmions de façon positive quelque chose qui en nous refusait l'offense et ne pouvait indéfiniment se laisser humilier. " La première partie du discours, c'est l'inacceptable, la deuxième partie du discours, c'est le fait de redécouvrir en nous une force positive qui disait " non ". Face à l'inacceptable on ne peut jamais se contenter de la dénonciation. Si l'on veut construire une démocratie mondiale, une vraie, il s'agit de dénoncer cet inacceptable, et, en la dénonçant, de retrouver les raisons pour lesquelles on les dénonce.

Troisième impératif. Ayant refusé l'inacceptable, ayant admis qu'il existe des forces positives qui refusent que cette dignité se fasse davantage humilier, je suis appelé à l'action. Engagement concret pour agir. Et là, vous connaissez ce passage d'Albert Camus dans le Retour à Tipaza : " Pour empêcher que la justice ne se racornisse - c'est bien ça, chers amis, le débat de ce soir - c'est d'empêcher que la justice au niveau mondial ne se racornisse, qu'elle ne soit monopolisée que par tel ou tel puissant - pour empêcher que la justice ne se racornisse, je découvrais à Tipaza qu'il fallait garder en soi une fraîcheur, une source de joie " J'aime bien la fin de cette citation : " Au milieu de l'hiver, j'apprenais enfin qu'il y avait en moi un été invincible. " Chers amis, si nous, membres de cette société civile, responsables par ailleurs dans le monde politique ou autre, nous ne redécouvrons pas en nous même l'été invincible, nous ne construirons jamais cette démocratie mondiale.

Agir, c'est déjà redécouvrir en soi cet été invincible qui va ensuite permettre de poser des gestes, et Albert Camus parlait du combat qui est celui de sa vie, celui de la justice au sens large du terme.

Albert Camus, en 2014, nous invite à un débat démocratique sur ces "étés invincibles" qui sont en nous. Et c'est difficile, car Albert Camus est tout sauf un idéologue, tout sauf quelqu'un qui nous propose des réponses systémiques. Et donc, nous avons à nous interroger, pour agir, à partir de ces étés invincibles.

Le quatrième impératif : comment allons-nous aider à ce que les générations qui viennent construisent sinon cette démocratie mondiale, en tout cas les possibilités de la construction de cette démocratie mondiale. Et là, il y a des impératifs. Là il y a des réalités qu'il faut non seulement dénoncer comme étant, en elles-mêmes, contraires à la construction de cette démocratie mondiale. Et pour cela, je fais allusion à l'article qu'Albert Camus écrivait en Août 1945, juste après la première bombe à Hiroshima, alors que toute la presse glorifiait la technique. Albert Camus va oser écrire : " la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie ".

Réagir contre l'inacceptable, retrouver en soi l'été invincible, agir en dénonçant des mécanismes - ici, il parle de cette civilisation mécanique, mais il y a bien d'autres réalités humaines qui empêchent la construction de la démocratie mondiale. Il faut agir pour les dénoncer, pour les contredire, pour construire autre chose. Quand Albert Camus nous propose d'agir, il le fait toujours avec une infinie humilité.

Vous vous souvenez de son discours lorsqu'il reçoit le prix Nobel - et nous sommes en plein au cœur de notre sujet - : " Je crois comprendre que les générations qui nous ont précédés ont tenté de faire le monde ; je crois que ma génération n'a qu'une mission, c'est d'empêcher que le monde ne se défasse. "

J'invite les membres de la société civile, les associations, les groupements, etc. à accepter non pas cette modestie qui nous ferait ramper, mais cette humilité qui est de limiter nos actions à empêcher que le monde d'aujourd'hui ne se défasse.

Je suis président d'un Comité qui lutte contre la faim et pour le développement. Lutter, contre la faim, chers amis, c'est éviter que le monde ne se défasse, et si vous voulez construire, si nous voulons construire cette démocratie mondiale, il faut d'abord éviter que ce monde ne se défasse, et ceci par des actions précises.

Cinquième et dernier point : La recette des membres de la société civile, pour être effectivement des constructeurs de cette démocratie mondiale. J'aime bien Albert Camus qui évite que le monde ne se défasse et qui, dans ses combats, Dieu sait s'il en a mené de très précis, de très douloureux, de très engagés, n'oublie jamais la dimension d'humanité, n'oublie jamais que ceci se fait avec des hommes, avec des femmes. La plus belle illustration que vous avez de l'humanité d'Albert Camus, combattant pour la démocratie mondiale, c'est la lettre qu'il envoie à son instituteur au moment où il va recevoir le prix Nobel.

" Cher Monsieur Germain, sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. " C'est ce que j'appelle " l'humanisme d'Albert Camus " qui met chacun de nous en posture de devenir ces bâtisseurs de cette démocratie mondiale.

Voilà les cinq propositions que je voulais faire pour, à l'aide d'Albert Camus, comme une source " nous tentions de mener les combats pour empêcher que le monde ne se défasse".

Elie Wiesel est un jour invité par le président Mitterrand à l'Élysée pour clôturer un colloque de prix Nobel. Il s'adresse aux Prix Nobel devant lui - nous sommes tous des Prix Nobel, si nous sommes tous décidés à entendre l'appel qui nous a été lancé concernant la " marche " pour la construction de cette démocratie mondiale : " Mesdames, Messieurs les Prix Nobel, il était une fois, il y a très longtemps dans un village polonais très éloigné, un village juif, il était un bedeau - le sacristain dans le village, ce n'est pas toujours le bac + 18 du village ;- la mission du sacristain, c'était, chaque matin, de passer dans la communauté juive de maison en maison avec une clochette et de dire " réveillez-vous, réveillez-vous, c'est le jour du Seigneur ". Et Elie Wiesel de dire : " je pense qu'Albert Camus aurait pu dire la même chose : moi, je vous invite, je nous invite à être de ces sacristains qui passent de maison en maison, de responsable en responsable, d'autorité en autorité pour dire : réveillez-vous, réveillez-vous, c'est le jour de l'Homme. ". Je pense que le message d'Albert Camus qui peut inspirer notre marche pour la démocratie mondiale, c'est de nous redire : " vous êtes, nous sommes les bâtisseurs, les éveilleurs de ce jour de l'Homme ".

Merci.

Les intervenants


haut de page Emmanouil Athanasiou
Comité international de soutien à Liu Xiaobo

Appel à la libération de Liu Xiaobo,
Lauréat du prix Nobel de la Paix, emprisonné en Chine

Quand "Agir pour les Droits de l'Homme" et les Citoyens du Monde ont invité le Comité International de soutien à Liu Xiaobo, Lauréat Chinois du Prix Nobel de la Paix, à prendre la parole lors de cet événement, je me suis posé la question, en tant que Coordinateur du Comité, sur les éléments qui lient ces deux personnalités: Albert Camus, Prix Nobel de Littérature, Liu Xiaobo, largement inconnu auprès du grand public, Prix Nobel de la Paix. Pourtant, c'est bien un intellectuel qui est en prison, un homme d'esprit avant tout. Ce n'est pas un activiste politique ou au moins il ne l'était pas avant. Il n'était pas un activiste - défenseur des droits de l'Homme non plus. Il n'était pas un militant. C'était un intellectuel, et aujourd'hui-même en essayant de le faire sortir de sa prison en Chine, on tire la sonnette d'alarme en disant : Attention : il y a une victime collatérale dont la souffrance passe presque inaperçue ! Son épouse, Liu Xia, qui n'a jamais fait de politique, qui est une pure intellectuelle, une poète, une photographe, une artiste...

Donc, quelle est la différence entre Albert Camus et Liu Xiaobo ?

L'un a attiré l'attention du monde entier, de l'opinion publique mondiale, alors que Liu Xiaobo, lui, est resté dans le noir. Quels sont leurs points communs ? Ils sont nombreux ! Ils sont non-conformistes. Ils n'ont pas suivi d'idéologie politique. Ils n'ont jamais cherché à être politiquement corrects. Chacun d'entre eux a cherché la vérité. Ils ont défendu la liberté. Ils sont tous les deux des protagonistes ou des pionniers de la gouvernance mondiale dont l'un avait l'idée et l'autre a essayé de l'exécuter dans le pays qui, aujourd'hui, joue malgré nous un rôle primordial dans les affaires internationales et dans notre vie quotidienne.

Même si certains parmi nous ne se rendent pas encore compte du rôle que la République Populaire de la Chine joue dans la politique mondiale, d'autres s'en rendent compte via les médias qui nous démontrent l'influence de la Chine en tant que membre du Conseil de Sécurité, en tant que puissance mondiale, en tant qu'intervenant dans les conflits au Soudan, en Birmanie, en Syrie, etc… En plus, la Chine, entre temps, influence, finance et gère pratiquement des nombreux instituts universitaires à travers le monde - certains avancent le nombre de 70 Instituts d'éducation supérieure.

Ces instituts définissent les cursus éducatifs et universitaires. Ils ont des moyens de faire fonctionner une propagande chinoise, jamais vue auparavant. A côté d'eux, la commission McCarthy dans les années 1950 semble un simple soldat devant une armée hyper-puissante. La seule voix qui, aujourd'hui, peut avoir un impact important auprès de la communauté internationale mais aussi de la société civile chinoise, à l'extérieur et à l'intérieur du pays, c'est Liu Xiaobo. Et cette voix, la Chine fait tout pour la faire taire. Et avec un grand succès.

Or, c'est justement la voix d'un Prix Nobel de la Paix qui disparaît aujourd'hui dans l'oubli, et ce malgré les efforts de la société civile et d'autres Lauréats du Prix Nobel de la Paix d'une renommée mondiale comme Desmond Tutu, ou Nelson Mandela, qui vient de nous quitter récemment, ou d'autres qui ont pris le flambeau, pour essayer de faire revenir Liu Xiaobo sur le devant de la scène.

Ce soir, à l'occasion de cet événement au Sénat, tout en remerciant Monsieur le Sénateur, les Citoyens du Monde et Marie-Françoise Lamperti personnellement, nous réitérons notre appel, parce qu'il y a déjà eu des nombreux appels pour la libération de Liu Xiaobo. Des lettres, fermées et publiques ont été envoyées un peu partout ; des événements ont eu lieu tout comme des actions publiques et médiatiques. A chaque fois, soit il n'y a pas eu de réponse, soit la réponse fut très discrète.

Et si cela n'a rien à voir avec la notion de gouvernance mondiale, ou même de démocratie mondiale, aujourd'hui, Dr. Shirin Ebadi, Mme Jody Williams, l'Archevêque Desmond Tutu, Mme Mairead Maguire, Mme Betty Williams et Mme Tawakkol Karman, des personnalités qui se sont battues dans leurs pays respectifs, qui ont compris cette notion de gouvernance et de démocratie mondiales, vous transmettent un message, à vous, aux autorités politiques, mais aussi aux Citoyens du Monde pour faire en sorte que le cas "du seul Prix Nobel de la Paix dans le monde, actuellement en prison " soit dénoncé. Quant à moi, je vous invite à faire la comparaison entre Liu Xiaobo et un autre Prix Nobel de la Paix, largement médiatisé, qui, en plus, n'était pas en prison. Je vous demande alors de faire en sorte que Liu Xiaobo et sa lutte ne soient pas oubliés.

Je vous remercie...

Réponse de M. le sénateur, Joël Labbé à l'appel lancé par Emmanouil Athanasiou

Lorsqu'il y a des appels, parfois on a besoin de piqûres de rappel. Je vais vous demander les éléments et je m'engage à mobiliser et Sénateurs et Députés français, mes collègues qui voudront bien s'associer à la démarche. En tout cas merci d'être venu et merci de votre combat, et c'était bien que ce soit ici, dans ce cadre que cet appel soit fait.


Remerciements de Monsieur le sénateur Joël Labbé

Je voudrais vous remercier les uns et les autres, remercier Marie-Françoise qui est quelque part l'instigatrice de tout cela, qui a bousculé, provoqué tout le monde et qui m'a très poliment demandé si les choses étaient possibles, et elles l'ont été. Lorsqu'on a la volonté de faire, on arrive à faire.

Je voudrais à titre personnel, vous remercier de la richesse de votre présence. On a entendu des accents d'un petit peu partout, et cela justifie pleinement notre appartenance à la citoyenneté mondiale, une citoyenneté mondiale qui reste à construire, et j'ai beaucoup aimé l'expression, la référence à la source qu'est la pensée de Camus.

Encore une fois pour cette année 2014, n'oubliez pas !

Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir
et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns.

Bonne soirée à toutes et à tous.

Les intervenants

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Avec le partenariat de :

  • Solidarité Mondiale contre la Faim
    SMF-Globidar-France, 1 ruelle Haute, 21120 Gemeaux, (France)
    www.globidar.org
  • Registre des Citoyens du Monde
    www.recim.org
  • Ensemble Contre la Peine de Mort
    69, rue Michelet, 93100 Montreuil - (France)
    http://www.abolition.fr
  • Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture,
    ACAT France. 7, rue Georges Lardennois Paris 75019. (France)
    www.acatfrance.fr/
  • Agir pour les Droits de l'Homme
    43 rue Charles Silvestri, 94300 Vincennes (France)
    www.recim.org/asso/agirdh-fr.htm
  • Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement - CCFD - Terre Solidaire
    4 rue Jean Lantier, 75001 Paris, (France)
    http://ccfd-terresolidaire.org/
  • France-Tibet
    Maison des Associations, BP 55, 36200, Argenton-sur-Creuse (France)
    www.tibet.fr/
  • Peuples Solidaires
    2B rue Jules Ferry, 93100 Montreuil (France)
    www.peuples-solidaires.org/
  • Union des Fédéralistes Européens
    UEF France, 242 rue Du Guesclin, 69003 Lyon (France)
    www.uef.fr
  • Association Française pour les Nations Unies
    1 avenue de Tourville, 75 007, Paris (France)
    www.afnu.org/

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Deux interviews, par Epoch'Times : Joël Labbé, Marie-Françoise Lamperti

  • Joël Labbé,

Camus, « véritable écologiste avant l’heure »

A` l’occasion du centenaire de la naissance d’Albert Camus, le Palais du Luxembourg accueille, le 14 janvier prochain, une conférence-exposition sur le thème « Albert Camus, pionnier de la démocratie mondiale ». Joël Labbé, sénateur EELV, qui parraine cet événement, commente ce qui a motivé ce choix et son attachement a` un auteur mondialement connu.

A` notre connaissance, vous êtes le seul sénateur qui a eu l’idée de rendre un hommage a` Albert Camus au sein d’une institution aussi prestigieuse. Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?

Il n’y a pas de hasard ! Tout d’abord, cette exposition Albert Camus est organisée par l’Assemblée des Citoyens du Monde. Je suis depuis longtemps inscrit au registre des Citoyens du Monde. La commune de Saint-Nolff, dont je suis maire depuis 1995, a été déclarée « Commune du Monde, liée a` la communauté mondiale » par délibération du Conseil municipal en 1997. Aussi, devenu sénateur écologiste du Morbihan en 2011, c’est tout naturellement avec une grande fierté, que je parraine cet événement au cœur de notre institution prestigieuse. Cette exposition Albert Camus, a` l’occasion du centenaire de sa naissance, y trouve toute sa place. La deuxième motivation est très personnelle : Albert Camus est l’écrivain qui m’a le plus marqué dans ma jeunesse. Je me rends compte aujourd’hui que sa pensée a contribué a` construire ma propre vision du monde. Elle a contribué a` ce que je devienne qui je suis, dans la quête de moi-même et dans la recherche du sens de la vie ; et aussi, dans mon engagement politique. Je me retrouve complètement dans la sensibilité libertaire et dissidente de Camus. Spirituellement, la pensée de Camus m’a conduit vers une approche agnostique du monde, de la vie et de la mort.

Vous êtes un élu écologiste. Voyez- vous dans l’engagement de Camus un familier de la démarche écologiste ?

Bien sûr ! Quand on lit le lien charnel qu’Albert Camus entretient avec la nature. On le retrouve tout au long de son œuvre, mais tout particulièrement dans Noces qui consacre les noces de l’homme avec la terre. Quel plus beau message écologiste ? Camus, véritable écologiste avant l’heure aussi par son humanisme intransigeant, réfractaire a` tous les dogmes et a` toutes les idéologies.

L’intitulé de « Albert Camus, pionnier de la démocratie mondiale » va renvoyer d’emblée (sans entrer dans le développement d’une analyse politique précise) aux souffrances des citoyens qui vivent dans des pays qui les oppriment par manque de démocratie précisément. Pensez-vous que ce type de manifestation doive être développé sur d’autres territoires ? si c’est le cas, quelle dynamique d’espérance peut-il faire apparaître ?

Bien sûr que cet intitulé doit nous renvoyer vers la douleur des peuples opprimés, souffrant de manque de démocratie. « Camus, pionnier de la démocratie mondiale » : oui. Il l’a portée dans son œuvre, et dans les faits, il a été un soutien fort et engagé pour le premier Citoyen du Monde revendiqué, Garry Davis, qui a disparu cette année.

Le retour sur Camus doit activer la réflexion des citoyens d’aujourd’hui, dans ce mondialisme actuel auquel il va falloir trouver des solutions plus intelligentes que celles appliquées, qui mettent en danger la planète et la vie sur la planète. Camus a montré avec constance une préoccupation pour la justice, un lien charnel avec la nature, son souci du temps présent et a` venir, une générosité a` l’égard des autres, un refus des frontières et un sens aigu d’une fraternité universelle. L’homme révolté qu’est Camus invite a` se dresser contre l’injustice du monde, dans un sursaut de l’âme et du cœur, pour redonner un sens au monde.

En ces temps de replis nationalistes un peu partout dans le monde, les Citoyens du Monde doivent plus que jamais être porteurs d’une démocratie mondiale salvatrice pour l’ensemble de la planète.

Camus nous invite a` la recherche d’une cohérence qui lie la pensée et les actes. Cette cohérence qui « tient un homme debout face a` sa responsabilité d’être humain ».

En conclusion, je me sens plus proche que jamais d’Albert Camus. J’espère vivement que l’exposition et la conférence du 14 janvier auront un impact fort sur notre institution, relayées par un grand nombre de sénatrices et de sénateurs.

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  • Marie-Françoise Lamperti

La Méditerranée, cordon ombilical de la démocratie

Marie-Françoise Lamperti, présidente de l'association Agir pour les Droits de l'Homme (ADH), coordinatrice de la conférence exposition qui aura lieu le 14 janvier prochain au Palais du Luxembourg, met en éclairage, à travers l'expérience camusienne, le lien quasi ombilical qui existe entre la région méditerranéenne et la démocratie.

La vie d'Albert Camus nous fait inévitablement penser à l'histoire de l'Algérie, dans sa lutte pour l'indépendance. Cette indépendance officialisée aurait-elle changé quelque chose pour lui ?

Il est impossible de se substituer à la pensée de Camus puisqu'il est décédé avant la déclaration d'indépendance. Mais de son vivant, lorsqu'on lui reprochait de ne pas prendre position pour une Algérie indépendante, il exprimait l'idée d'une Algérie fraternelle où les communautés vivraient ensemble liées dans la légitimité d'une construction fédéraliste.

D'ailleurs, certains analystes politiques à l'époque l'avaient un moment envisagé. Mais, lorsque le général De Gaulle règle la question algérienne, on peut constater qu'il négocie les accords d'Évian, seul avec le FLN. Seul, sans un représentant de la communauté pied noire, sans un représentant de la communauté kabyle, sans un représentant de la communauté harki.

Vous voulez dire que ce n'était pas tout à fait légitime ?

Non, je ne dis pas cela, car le général De Gaulle était un président élu au suffrage par le peuple français, sa légitimité n'est pas en cause. Par cette décision, il pose un acte politique et cet acte marque, notamment, la fin de la période colonialiste française. Je veux dire que dans un pays comme l'Algérie, en proie à la violence, à l'exacerbation des uns, à l'extrémisme des autres, où la cruauté des uns sert de justification aux exactions des autres, ne pas recueillir la parole des communautés qui composent cette région, quand les hommes se sont déchirés pendant tant d'années, génère des traumatismes et une frustration si amère qu'il devient très difficile après de refermer ces blessures. Il faudra sans doute beaucoup de temps et un travail colossal à entreprendre, notamment, par les historiens, par les sociologues, et par les associations, pour tenter de réconcilier " les irréconciliables " si l'on peut s'exprimer ainsi.

À votre avis, qu'est-ce qu'Albert Camus incarne le plus ? La terre d'Algérie à laquelle il était si attaché ou la France ?

La Méditerranée. Camus incarne complètement la Méditerranée. Sa façon de décrire les paysages, les éléments naturels, est d'une sensualité exquise. Dans ses écrits, il donne à voir une relation très particulière avec la nature, il est toujours en osmose avec elle. La Méditerranée, dans son sens étymologique, signifie " la mer au milieu des terres ". Et, dans sa représentation schématique, la voie du milieu est le point d'équilibre, donc de justice. Cet esprit de justice est un moteur de forte puissance dans l'esprit de Camus. Cette justice et cette démocratie que Camus revendique pour tous. Il n'est pas surprenant, d'ailleurs, que la démocratie se soit particulièrement bien développée à Athènes. Lorsqu'on observe les échanges entre les peuples, sur les côtes méditerranéennes, même sans parler la même langue, dès qu'il s'agit d'échanges, tout le monde se comprend. La gestuelle, le tactile, tout cela se retrouve dans le style littéraire de Camus. De même, l'autre, celui qui arrive de l'autre côté de la rive en Méditerranée, n'est pas perçu, d'emblée, comme menaçant. Il est d'abord accueilli. On remarque, également, sur les ports, lorsque des bateaux accostent, l'incroyable expression de vie démocratique : la solidarité des marins entre eux, par exemple. Il est intéressant, enfin, de noter que les peuples de la Méditerranée ont le même dénominateur commun.

Quel est-il ?

La mer. De part et d'autre des rives, les peuples de la Méditerranée ont la même mer. C'est peut-être là que Camus a puisé sa profonde empathie pour les êtres humains.

 

Propos recueillis par Isabelle Meyer
Epoch'Times, édition française / 16- 31 DECEMBRE 2013, ÉDITION 259

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Invitation Presse

« Au nom des peuples du monde ! »

Après la Seconde guerre mondiale au moment de la rédaction de la Charte des Nations unies, un groupe d’anciens résistants comme Robert Sarrazac dénonce certains articles de la Charte comme une déviation des principes énoncés dans le préambule.

Un front des Citoyens du Monde se constitue. C’est là que Garry Davis se plaçant sous l’autorité de l’ONU se déclare « Citoyen du monde » (au Trocadéro à Paris). Un comité de soutien se créé. Albert Camus rédige la Déclaration d’Oran qui devait être lue par Garry Davis, aussitôt ceinturé par les forces de police. Texte dont l’interpellation, en accroche de la Déclaration « au nom des peuples du monde ! je vous interromps », a marqué les mémoires.

C’est ce texte qui a donné une identité politique aux Citoyens du Monde et fédéré, d’emblée, une vingtaine d’intellectuels. Se sont joints à eux, des personnalités telles que : l’Abbé Pierre, Théodore Monod, André Gide, Jean-Paul Sartre, André Breton. Lorsque la presse s’en fait l’écho, le groupe recueille l’adhésion d’autres personnalités de renom : Albert Einstein était de ceux-là.

Porté par la Déclaration d’Oran et la voix de Garry Davis, le front des Citoyens du Monde réclame l’instauration d’un nouvel ordre mondial qui doit être, selon les termes d’Albert Camus, « universel », et disposer « d’un parlement, donc de constituer ce parlement au moyen d’élections mondiales auxquelles participeront tous les peuples », précise Albert Camus.

C’est pour mettre en lumière cette période peu connue de l’engagement d’Albert Camus pour la démocratie mondiale, que l’Assemblée des Citoyens du Monde organise sous le parrainage de Joël Labbé, sénateur du Morbihan, au Palais du Luxembourg à Paris la conférence - exposition « Hommage à Albert Camus, pionnier de la démocratie mondiale ».

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